Cette thèse s'est intéressée au rôle du« Réarmement moral» en Suisse, et à la manière dont celui-ci peut être considéré comme un miroir de la société helvétique durant la Guerre froide. Il s'agissait en premier lieu d'établir la biographie détaillée d'un mouvement dont les activités furent particulièrement riches et qui est paradoxalement absent tant des mémoires collectives que des ouvrages d'histoire contemporaine en Suisse. Nous souhaitions nous intéresser à ses
acteurs, procéder à la mise en lumière de ses réseaux de soutien, et analyser les « mutations » de son activisme au fil des décennies. Cette recherche entendait par ailleurs nourrir les études sur l'anticommunisme de valeurs de par la forte intrication des luttes religieuses et politiques menées par le mouvement. Le RAM servait aussi de point d'ancrage pour évoquer la société
helvétique, son anticommunisme, et le rôle tenu par la Suisse et ses acteurs dans la Guerre froide globale. Plus spécifiquement, nous espérions éclairer la participation et le soutien apportés par des élites traditionnelles à cet étonnant mouvement religieux, soulignant par là même l'importance de la prise en compte du spirituel dans la lecture des luttes menées sur le front politique en Suisse durant les années de Guerre froide.
Cette thèse est partagée en trois temps : la première partie est consacrée à brosser le portrait d'une organisation dont les origines précédaient de plusieurs décennies les débuts de la Guerre froide. La seconde partie analysait le rôle du mouvement durant les longues années 1950 par le biais des différents supports qui servaient son extension. Ceci en commençant par l'usage large qu'il sut faire des médias pour diffuser ses idées mais aussi en s'intéressant à l'importance prise par le quartier général de Caux : à la fois centre de conférence et de formation. La troisième partie s'intéressait plus spécifiquement à l'activisme du mouvement dès 1956-1957, une période marquée par la prédominance des équipes américaines. Il s'agissait de montrer certaines spécificités du tournant des années 1960 : une médiatisation accrue, une intransigeance vis-à­ vis des détracteurs du mouvement, et une participation plus importante d'acteurs issus du camp conservateur, inquiets des dynamiques de la« coexistence pacifique».
Les différents segments de cette recherche démontrent que le RAM a disposé d'un large réseau national et transnational dès les années 1930, amplifié durant la période d'après-guerre. Tant du point de vue financier que de celui de sa présence publique et médiatique, tant du point de vue des controverses qu'il suscita que du soutien apporté par des pans importants de la sphère économique, politique et religieuse suisse et étrangère, le RAM apparaît comme une organisation dont l'importance a été négligée de par sa progressive disparition de la scène publique et la marginalisation de sa pensée dans les décennies postérieures.