Cette thèse analyse la genèse des systèmes fiscaux modernes des cantons de Berne et de Vaud, depuis la refonte fiscale bernoise de 1847 jusqu’à la veille de la crise économique des années 1930. Elle porte sur la fiscalité directe, dont l’importance au sein des recettes publiques s’accroit.
Les sources mobilisées, publiées et non publiées, sont essentiellement issues des archives cantonales. L’étude des législations est combinée avec celle des pratiques et une grande attention est donnée au profil sociologique des acteurs y intervenant. Ce travail enrichit l’histoire financière, économique et politique des deux cantons, en particulier sous l’angle des rapports de pouvoir entre groupes sociaux. Ses résultats contribuent aux recherches portant sur le paradis fiscal suisse et sur le fédéralisme helvétique.
La répartition sociale de l’impôt fait office de fil rouge. Les règles d’imposition sont généralement clémentes envers les propriétaires fonciers et la paysannerie. Conjointement à l’évolution de la situation économique, les recettes de l’imposition de la rente foncière cèdent le pas aux prélèvements fiscaux opérés sur les activités industrielles, commerciales et bancaires. Le poids des milieux d’affaires, tant lors des processus législatifs qu’au sein des organes de taxation, leur permet de bénéficier d’avantages très étendus. En revanche, les milieux salariés n’ont que peu d’échappatoires et subissent un report de la charge fiscale.
Les réformes atténuant les inégalités devant l’impôt sont menées durant des contextes de crises. Dans le canton de Vaud, la longue dépression agricole débutant au milieu des années 1870 débouche sur la refonte fiscale de 1886, qui introduit la progressivité de l’impôt et l’inventaire au décès, une importante mesure de lutte contre la soustraction fiscale. Dans le canton de Berne, la réforme de 1918, qui instaure la progressivité, l’inventaire au décès et professionnalise l’appareil fiscal, fait suite à la montée en puissance du mouvement ouvrier.