Depuis la fin des années 1990, un courant de recherches encourage les approches dites d’evidence-based (« fondées sur des données probantes ») pour déterminer l’efficacité des programmes de prévention de la criminalité. Toutefois, les évaluations scientifiques de stratégies policières demeurent plutôt rares tant en Suisse qu’en Europe continentale. Grâce au financement du Fonds national suisse de la recherche scientifique et à un partenariat avec la Police municipale de Lausanne, une telle démarche a pu être mise en œuvre à Lausanne.
Le présent travail de doctorat porte sur l'évaluation de stratégies policières en matière d’insécurité urbaine. L’objectif général est d’évaluer de manière scientifique l’efficacité de stratégies policières en vue de réduire, principalement, le sentiment d’insécurité et, secondairement, la petite criminalité de rue. Ce travail répond également à deux objectifs spécifiques qui sont d’établir un diagnostic local de sécurité de quatre quartiers lausannois et de formuler des bonnes pratiques en matière d’évaluation de mesure policière.
En utilisant un protocole de recherche longitudinale conçu sous la forme d’un devis quasi-expérimental, les variations du sentiment de sécurité et de la criminalité sont relevées au moyen de sondages adressés à la population et des statistiques policières. A titre complémentaire, des entretiens, des observations sur le terrain, ainsi qu’une veille médiatique, nous apportent un cadre pour l’interprétation des résultats. Les deux stratégies ont été implémentées par des policiers de la Police municipale de Lausanne et ont consisté à agir en visibilité avec une présence accrue de patrouilles de police pédestres et à vélo.
Les résultats ont permis d’attester que les habitants des quartiers choisis rencontraient effectivement des problématiques spécifiques. Le trafic de stupéfiants dans la rue, la présence de personnes dérangeantes, ainsi que la peur d’être abordé(e) par un inconnu sont les principales sources d’insécurité ou de préoccupation. Plusieurs indicateurs ont également permis d’établir que le type de stratégie choisi répond en grande partie aux attentes de la population. En termes d’efficacité de la stratégie, les résultats sont positifs et encourageants. Ils permettent de conclure à une efficacité relative de la présence policière accrue et, plus spécifiquement des patrouilles pédestres, en vue de rassurer la population. Cependant, l’impact d’une telle stratégie dépend aussi de facteurs exogènes, qui ne peuvent être contrôlés par les policiers. Même si les patrouilles policières pédestres sont un outil indispensable pour maintenir ou accroître le niveau de sécurité subjective, l’étendue de leurs effets peut parfois être limité dans le temps et l’espace. Pour conclure, cette thèse propose une réflexion sur les pratiques d'évaluation scientifique et le rôle de la recherche appliquée et des connaissances locales dans le domaine du policing, tout en revisitant la manière dont la philosophie de l'evidence-based policing est appliquée en Suisse romande.