L'annonce, en novembre 1989, par la commission d'enquête parlementaire chargée d'élucider les circonstances de la démission d'Elisabeth Kopp de la découverte de 900'000 fiches de la police fédérale répertoriant des individus suisses ou étrangers, pour la plupart de gauche ou associés aux nouveaux mouvements sociaux, est à l'origine d'un des plus grands scandales que la Suisse moderne ait connus. Dénonciations de l'État « fouineur », manifestations massives et émeutes dans les rues de Berne, initiative pour l'abolition de la police politique, boycott des 700 ans de la Confédération, réformes du Ministère public et du Parlement témoignent d'une conjoncture de crise unique par son intensité et son expansion sociale. Comment a émergé le scandale des fiches ?
Se démarquant d'approches en termes de moralisation ou de déviance et partant de l'approche constructiviste des scandales politiques, ce travail met à jour les différentes dimensions de l'affaire afin d'en comprendre les causes, la dynamique et les conséquences. Sur la base notamment de la sociologie des crises politiques de Michel Dobry, et à partir d'entretiens, d'archives et de la presse, la thèse retrace la « carrière » de la controverse, de la période de la guerre froide à l'entrée en vigueur de la première loi encadrant le renseignement politique en 1998, en faisant une focale sur la période la plus intense du scandale, début 1990. L'analyse porte en particulier sur les interdépendances des acteurs et les opérations de cadrage. Elle rend compte des fortes mobilisations, sources de déstabilisation des autorités, contraintes de multiplier les réformes. S'intéressant au reflux de la contestation, l'étude s'intéresse également à la capacité d'intégration et de neutralisation des conflits des institutions politiques suisses.
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The announcement, in November 1989, by the parliamentary commission investigating the circumstances surrounding Elisabeth Kopp's resignation, of the discovery of 900,000 federal police files listing Swiss and foreign individuals, most of them left-wing or associated with new social movements, sparked one of the biggest scandais modern Switzerland has ever seen. Denunciations of the "snooping" state, massive demonstrations and riots in the streets of Berne, an initiative to abolish the political police, a boycott of the 700th anniversary of the Confederation, and reforms of the Public Prosecutor's Office and Parliament all bear witness to a crisis situation unique in its intensity and social expansion. How did the secret files scandal emerge?
Distancing itself from approaches based on moralizing or deviance, and starting from the constructivist approach to political scandals, this work brings to light the various dimensions of the affair in order to understand its causes, dynamics and consequences. Based in particular on Michel Dobry's sociology of political crises, and drawing on interviews, archives and the press, the thesis traces the "career" of the controversy, from the Cold War period to the entry into force of the first law governing political intelligence in 1998, focusing on the most intense period of the scandai, early 1990. The analysis focuses in particular on the interdependence of actors and framing operations. It takes into account the strong mobilizations that destabilized the authorities, who were forced to multiply reforms. The study also looks at the capacity of Swiss political institutions to integrate and neutralize conflicts, as the protests subside.