Cette thèse explore la genèse du droit antiraciste en Suisse, depuis ses origines à la fin des années 1960 jusqu’à l’adoption d’une norme pénale lors d’une votation populaire en 1994. Elle décrit le processus par lequel la collectivité suisse s’est dotée d’une loi antiraciste sous la forme d’une disposition pénale interdisant les discours racistes et antisémites dans l’espace public. S’appuyant sur les approches pragmatiste, praxéologique et micro-historique, ce travail retrace l’histoire législative de la loi antiraciste suisse à partir de trois perspectives : l’État fédéral et son administration, les arènes publiques, ainsi que les associations militantes et religieuses impliquées. Fondée sur une recherche approfondie dans les archives fédérales et associatives, une analyse de discours publics et des entretiens avec des acteurs clés, cette enquête met en lumière les dynamiques qui ont façonné cette trajectoire législative. Initialement conçu dans le cadre d’une affaire de relations étrangères, le projet de loi s’inscrit dans une politique de la discrétion dont l’action se déroule au sein des institutions et à l’abri du public. Il évolue à la fin des années 1980 pour répondre au problème de la « montée du racisme » en Suisse. Inséré dans les débats houleux sur les réfugié·es et les étranger·es, le projet de loi devient une question identitaire lors de la campagne de votation, interrogeant les attributs jugés essentiels de la collectivité suisse. En définitive, cette thèse explore une expérience politique marquante dans la Suisse de la fin du 20e siècle et montre comment un projet législatif se transforme en un horizon public et en une réalité juridique.