L'âge du vin : rites de boisson, festins et libations en Gaule indépendante
Details
Serval ID
serval:BIB_43246
Type
PhD thesis: a PhD thesis.
Collection
Publications
Institution
Title
L'âge du vin : rites de boisson, festins et libations en Gaule indépendante
Director(s)
Paunier D.
Institution details
Université de Lausanne, Faculté des lettres
Address
Lausanne
Publication state
Accepted
Issued date
2004
Number of pages
637
Notes
REROID:R003866047; 30 cm ill. en noir et blanc; Old school value: Université de Lausanne
Abstract
Résumé :
Le motif du Celte ivre compte parmi les clichés les plus constants de la littérature antique dédiée aux peuples barbares: du IVe s. av. J.-C. au VIe s. apr. J.-C., pas moins d'une trentaine de textes font état du goût des Gaulois pour les boissons alcoolisées, indigènes ou importées, pillées ou acquises au prix fort. Cette réputation semble corroborée par l'archéologie : en Gaule, du vin importé circule dès l'époque du Hallstatt, au VIe s. av. J.-C. C'est à la fin de l'Âge du Fer, aux IIe et Ier siècles avant notre ère, que ce commerce connaît son véritable essor : époque à laquelle des centaines de milliers d'amphores importées d'Italie sont diffusées dans toute la Gaule, attestant l'existence d'un vaste marché indigène, portant sur un volume de plusieurs milliers d'hectolitres de vin par an.
Partant du postulat que les origines du phénomène résident dans la structure et l'évolution internes des sociétés gauloises, cette étude s'intéresse aux vecteurs culturels du commerce, à la valeur sociologique du vin, à l'identité de ses destinataires, à ses modalités de consommation et à sa perception par les sociétés indigènes.
Elle met l'accent sur l'existence, évoquée dans les textes, de pratiques collectives et rituelles faisant appel aux boissons alcoolisées, sur leur valorisation par les élites indigènes et sur leur utilisation dans les festins et les cérémonies religieuses rythmant la vie publique. Leur mise en évidence s'appuie sur l'analyse taphonomique des dépôts d'amphores, qui porte sur la composition et la distribution spatiale des dépôts, leur mode de formation et les manipulations rituelles dont ils ont pu être l'objet (destructions volontaires, tri, crémation, réutilisations), ainsi que sur leur association avec certains marqueurs à forte connotation sociologique ou symbolique (armement, vaisselle métallique, restes humains, dépôts animaux et autres objets relevant de la sphère cultuelle ou funéraire).
La carte de répartition des premières amphores italiques parvenues en Gaule au milieu du IIe s. av. J.-C. illustre une reprise des contacts avec le sud après plus de deux siècles d'interruption des échanges commerciaux, qui semble s'effectuer indépendamment de toute contrainte extérieure ; bien antérieurement, en tous les cas, à la création de la Province de Narbonnaise, vers 120 av. J.-C. Ce constat s'applique également au déclin de ce commerce : le milieu du premier siècle avant notre ère connaît une chute brutale des importations qui semble s'amorcer dès avant la Guerre des Gaules.
Le phénomène semble atteindre très rapidement l'ensemble du territoire, sans qu'il soit possible de dégager une « logique » géographique ou historique qui en régisse la progression. L'existence de ressources naturelles ou la position stratégique des régions importatrices, pas plus que leurs prédispositions politiques à l'égard de Rome, ne semblent constituer le facteur déterminant de cette diffusion. Les nécessités politiques et sociales, l'héritage culturel de chaque peuple, y mimaient sur les strictes contingences naturelles et logistiques. L'initiative des échanges incombait à des sociétés gauloises indépendantes, qui définissaient en amont et en aval les modalités de sa consommation. Ces observations vont à contre courant des schémas économiques et historiques existants : elles inscrivent les origines du commerce dans la demande indigène, plutôt que dans l'offre commerciale romaine.
La quantification des découvertes, l'analyse statistique du mobilier funéraire et la prise en compte d'ensembles clos épargnés par le brassage inhérent aux grands sites d'habitat, confortent l'essence aristocratique du vin et de ses rituels : de la fin du IIIe à la fin du Ier siècle avant notre ère, amphores vinaires et ustensiles de banquet demeurent l'apanage de l'élite guerrière, au même titre que le dépôt de char ou le port d'armes. Les tombes comme les habitats ruraux ne livrent aucun indice d'une « démocratisation» du produit, qui irait dans le sens d'un partage croissant des importations et d'une généralisation du vin à toutes les couches de la population. Ils laissent, en revanche, entrevoir plusieurs degrés hiérarchiques : du sommet du corps social, habilité à organiser et présider les cérémonies, détentrice d'ustensiles destinés à la préparation et au service collectif des mets et des boissons, aux simples convives autorisés à y participer, avec leurs accessoires personnels.
Contrairement à une idée très répandue, il apparaît clairement que la diffusion du vin n'est pas liée à celle du symposium gréco-romain : ses accessoires (simpula, situles, cruches, patères, bassins en bronze, cratères et services à boire en vaisselle campanienne) n'apparaissent, en dehors de la Narbonnaise, qu' à une date très tardive, postérieure à la conquête romaine et plus d'un siècle après l'arrivée des premières amphores vinaires. Grands chaudrons, landiers en fer et paires de seaux, en revanche, témoignent de l'attachement à une tradition festive archaïque, délaissée depuis longtemps dans le monde gréco-romain. Le conservatisme propre au banquet celtique, qui intègre le vin sans modifier ses prescriptions alimentaires, se traduit également par l'absence d'autres produits méridionaux (huile ou saumures). Les amphores restituent l'image d'un produit importé indépendamment des usages et de l'idéologie qui l'entouraient dans sa culture d'origine.
Sa consommation revêtait une toute autre dimension culturelle qu'au sud des Alpes et ne participait pas primaire- ment de la sphère alimentaire ou physiologique. Elle répondait à un choix conscient et sélectif, opéré par des sociétés indigènes habituées aux boissons fermentées locales (bière et hydromel). La permanence des accessoires du banquet traditionnel montre qu'il ne se substitue pas à leur consommation : il vient s'y greffer, dans le cadre de rituels préexistants.
Suggérée par les textes, l'utilisation du vin importé dans les pratiques religieuses de la fin de l'Âge du Fer constitue désormais une réalité archéologique tangible. Fil conducteur et « révélateur » de ces pratiques, les amphores s'inscrivaient au coeur d'une symbolique assimilant, par métonymie, le contenant à son contenu, le produit aux effets qu'il engendre. L'étroite analogie de traitement qui unit ces dépôts à d'autres catégories d'offrandes éclaire leur présence systématique sur les grands sanctuaires de Gaule tempérée. Le vin y était mis en valeur, au travers de rituels calqués sur ceux infligés aux autres offrandes : par les mutilations volontaires dont elle est l'objet, les rites de crémation, de sélection minutieuse des parties et d'enfouissement, sous forme de dépôts organisés, l'amphore se mue en véritable objet de consécration.
Leur contenu était consommé lors de grands festins, décrits de manière détaillée dans les textes antiques et matérialisés par ces milliers de tessons d'amphores et d'ossements accumulés dans de grands fossés d'enclos ou dans l'enceinte des sanctuaires. Leur mode de dépôt atteste la consommation simultanée, par une communauté nombreuse, de grandes quantités de nourriture et de boisson: hectolitres de vin et/ou de bière, morceaux de choix prélevés sur de jeunes porcs ou de jeunes moutons, céréales... Ces festins mettaient en oeuvre des accessoires spécifiques, ustensiles de cuisson et vases métalliques, réservés à la sphère collective plutôt que domestique. Certains d'entre eux, comme les chaudrons, revêtaient une fonction liturgique : découpe et cuisson des viandes, mélange solennel des boissons, la pratique conjointe du repas et du sacrifice s'assortissait de rites précis, accomplis en préalable à l'acte de consommation, ou lors de sa conclusion.
Les libations de vin offertes en l'honneur des divinités ou des défunts y représentent une pratique aussi centrale que dans la liturgie gréco-romaine. Offrandes d'amphores pleines, déposées ou précipitées au fond de cavités en offrande à la terre, ou libations partielles, elle bénéficie, sur les sanctuaires, d'indices archéologiques concrets : puits, fosses, rigoles et conduits destinés à canaliser un liquide dans le sol, associés à de grandes quantités d'amphores, trouvent un équivalent direct dans les bothroi connus sur les sanctuaires de Grèce archaïque. Les mêmes dispositifs sont intégrés à l'aménagement de certaines sépultures, où ils servent à l'alimentation du défunt post mortem.
Festins et libations s'accompagnaient d'autres manipulations infligées aux reliefs et aux accessoires du banquet, régies par des normes rituelles strictement observées, à des centaines de kilomètres de distance.
Le bris des amphores, à l'aide d'armes ou d'outils, en constitue l'étape la plus reconnaissable. L'état de fragmentation extrême de certains dépôts indique une volonté d'anéantissement systématique, qui s'apparente au bris rituel infligé aux offrandes métalliques retrouvées sur les sanctuaires : tessons d'amphores et pièces d'armement y présentent souvent les mêmes traces d'impacts de lame ou de percussion. Ce geste sacrificiel visait à consacrer les reliefs du festin, à détruire définitivement l'ensemble des biens et des accessoires investis, à l'usage exclusif des divinités et/ou des organisateurs de la fête.
Le décolletage des amphores par « sabrage », attesté par la découverte de cols bouchés et d'impacts de coups de lame, évoque un rite de décapitation symbolique du récipient. La séparation et la sélection minutieuse des panses et des cols peut être interprétée à la lumière des rites de démembrement des dépouilles connus sur les sanctuaires du nord de la Gaule. Ce parallèle est renforcé par le dépôt conjoint, sur certains sanctuaires, d'éléments de cols et de crânes ou a contrario, d'un corps décapité environné d'amphores décolletées. Vraisemblablement inspiré par la forme anthropoïde de l'amphore, cette pratique trahit le lien plus général qui unit, chez les Celtes, valeur supérieure du crâne et effets de l'alcool (crânes sciés et casques utilisés comme coupes à boire).
La crémation des amphores, dont témoignent certains tessons calcinés et déformés sous l'effet d'un feu très violent, s'assimile également à une forme de destruction sacrificielle. Elle renvoie à l'idée de purification et d'évaporation du produit, par analogie au vin immolé avec l'encens des autels gréco-romains ou déversé sur les bûchers incandescents, en l'honneur des divinités ouraniennes.
L'enfouissement des dépôts dans des profondeurs naturelles ou artificielles, puits, fosses ou fossés, constitue la dernière étape du rituel, par laquelle les biens consommés se voient définitivement mis à l'écart du monde profane. Ces favissae, cavités aménagées sur les sanctuaires afin d'accueillir les reliefs de l'activité cultuelle, s'adressaient aussi aux divinités chtoniennes résidant dans le sol ; tout comme l'immersion des amphores et des ustensiles du banquet dans des fleuves, dans des puits ou au fond de cavités naturelles. Ces dépôts ont souvent un caractère organisé (alignements, compositions circulaires ou ternaires, récipients disposés en ligne et/ou tête-bêche, amphores reconstituées à partir de fragments disparates), qui trahissent une volonté de mise en scène, de protection ou de cloisonnement symbolique.
Cette opération revêtait, dans certains cas, une dimension ostentatoire et purement symbolique. Dans les sépultures ou à leurs abords, sur les sanctuaires comme dans certains dépôts votifs, le dépôt d'amphores complètes s'accompagne généralement d'une masse de tessons résiduels, parfois prélevés sur des dépotoirs domestiques. Ils procèdent d'une symbolique d'abondance visant à souligner la richesse du défunt ou de la communauté. Un simple tesson suffit parfois à véhiculer l'image du contenu (pars pro toto) ; certains, pourvus d'une dédicace gravée à la pointe, retaillés en forme de statuette, d'amulettes ou de jeton, ont pu jouer un rôle plus actif dans le rituel.
Ces rituels s'exerçaient à différentes échelles : dans l'enceinte de grands sanctuaires confédéraux, comme sur de petits lieux de culte ruraux, en pleine nature ou au sein d'enceintes palissadées de tailles diverses (des plus vastes, calqués sur le modèle des Viereckschanzen, aux plus modestes, rattachés à l'habitat), voire au sein même de l'espace domestique.
Certains lieux de culte concentrant dans leur enceinte des quantités considérables de vin semblent avoir été dédiés spécifiquement à cet usage : cette activité faisait appel à des dispositifs libatoires bien identifiés, puits, fosses, fa¬vissae et autres « autels creux », garnis d'amphores, de vaisselle métallique et de céramiques utilisées lors des festivités et de l'exercice du culte. Le parcours des amphores au sein de l'espace sacré obéit à des constantes : leur ouverture, suivie de libations, se faisait à l'intérieur ou à proximité des temples ; la consommation du vin, dans de vastes espaces ou galeries monumentales ménagés à leur périphérie ; leurs débris étaient enfouis ou relégués en périphérie de l'aire cultuelle, le long du mur d'enceinte.
Ces « sanctuaires à libations » s'inscrivent en marge du champ d'identification des sanctuaires traditionnels, essentiellement centrés sur l'aspect guerrier et limités dans leur diffusion aux franges de la Gaule septentrionale et occidentale. Leur activité apparaît souvent centrée sur des cultes de fertilité, matérialisé par le dépôt d'amphores, de de meules et d'outils agricoles. Une nette césure culturelle sépare, à cet égard, les régions situées de part et d'autre du cours de la Loire et de la Seine. Longtemps cantonnés à l'Aquitaine, ces sanctuaires s'étendaient en fait à l'ensemble de la Gaule du centre-est et du sud- ouest. Le dépôt d'amphores vinaires dans des puits « à offrandes », en particulier, recouvre une réalité commune à l'ensemble du domaine celtique occidental, proportionnelle au volume d'importation régional. Il matérialise la rencontre de pratiques libatoires axées sur la symbolique du vin, connues dans le Méditerranéen depuis le VIIIe s. av. J.-C., d'une part, une tradition d'enfouissement de vaisselles et d'offrandes alimentaires entretenue en Gaule tempérée depuis l'Âge du Bronze, d'autre part, où les boissons indigènes tenaient vraisemblablement la première place.
Ces pratiques s'étendent à une vaste série d'enclos fossoyés de plan quadrangulaire, caractérisés par leur position isolée et l'absence de structures d'habitat et de mobiliers domestiques. Les quantités considérables d'amphores qu'ils ont livrées, souvent associées à de l'armement, de la vaisselle métallique et autres biens de prestige, désignent certains d'entre eux comme des espace réservés aux assemblées festives d'ordre religieux, politique et juridique. Ces « enclos à banquet » présentent, à l'instar des sanctuaires, de nettes différences d'échelle, en fonction de l'importance des manifestations qui s'y déroulaient et du nombre de convives. Les plus vastes d'entre eux rejoignent la première interprétation des Viereckschanzen du sud de l'Allemagne, comme espaces de rassemblement à vocation festive et religieuse. Ces structures d'enclos sont l'équivalent protohistorique des « théâtres » qui servaient, selon Posidonios, de cadre aux festins celtiques ; ils ont sans doute précédé, dans leur fonction, ces édifices à spectacle gallo-romains voués aux rassemblements communautaires et/ou à l'exercice du culte. Leur position frontalière souligne leur rôle probable dans la définition des alliances et le règlement des conflits territoriaux.
Certains bâtiments monumentaux à vocation collective et/ou religieuse, semblent avoir rempli la même fonction : les temples et de grands portiques en bois qui constituent l'aménagement de certains sanctuaires sont identifiés comme des espaces dévolus au banquet. Utilisé en toile de fond pour les assemblages de banquet qui garnissent les chambres funéraires de l'élite, leur plan s'inspire, dans certains cas, de celui des hestiatoria méridionaux.
La reproduction de ces pratiques dans la sphère privée s'illustre à travers de petits enclos à vocation festive et/ou cultuelle plus ou moins intégrés à l'habitat ; version réduite des grands enclos et sanctuaires publics, ils étaient adaptés à des manifestations organisées à l'échelle de la famille, du clan ou de la communauté agraire au sens large, présidées par une élite habilitée à l'exercice du culte privé. Certains dépôts votifs en fosse ou en puits, composés d'amphores, d'armement, de restes humains et/ou vaisselle métallique enfouis dans l'espace domestique, témoignent de rites libatoires pratiqués au coeur de l'habitat, à l'image des « laraires » d'époque romaine.
L'exercice du festin et des libations dans un cadre funéraire s'illustre à travers l'omniprésence du vin et des amphores sur les sites d'incinération ou d'inhumation de cette période ; la frontière avec le domaine cultuel n'est pas toujours aisée à mettre en évidence. L'utilisation du vin dans le banquet mortuaire et l'extinction du bûcher funèbre constituent des réalités objectives, attestée sur certains sites funéraires, il est probable que le dépôt d'amphores dans les tombes ou à leur périphérie recouvrait des fonctions multiples et complexes. L'offrande d'amphores entières, encore munies de leur contenu, est loin de constituer la règle. Rarement attestée avant le Ier s. av. J.-C., elle correspond à une coutume tardive, liée à la romanisation des pratiques mortuaires. Une forme antérieure d'utilisation du vin à des fins funéraires consiste dans le dépôt de récipients brisés et incinérés, sacrifiés aux divinités à l'image de ceux présents sur les sanctuaires contemporains. Cette proximité rituelle s'exprime également à travers le lien spatial qui unit, dans certains cas, sanctuaires et sépultures aristocratiques garnies d'offrandes vinaires : cadre de libations régulièrement effectuées en l'honneur du défunt et des divinités, ces structures s'apparentent directement aux hérôa connus dans le monde grec.
Ces nouvelles données invitent à redéfinir la place dévolue au vin importé dans les sociétés gauloises. Sa consommation reposait sur un fond idéologique original, fondamentalement opposé à l'imagerie du symposium dionysiaque et à sa logique hédoniste - même si elle était l'occasion de plaisirs bien réels. Elle intervenait à tous les niveaux de l'activité publique : conduite de la guerre, assemblées politiques, élections, cérémonies religieuses et funéraires, foires...
Les textes montrent que la consommation du vin s'inscrivait fréquemment dans un contexte militaire, dans le cadre de conflits, en préalable à la bataille, sous forme de « potion magique » censée conférer aux guerriers force et courage, lors des réunions armées présidant à la mobilisation des troupes, en tant que garant des serments et liens d'alliance par le sang, ou lors des cérémonies de victoires, où il était offert en récompense ou en payement des troupes.
Le vin intervenait, plus globalement, dans tous les domaines de l'activité religieuse : capté et instrumentalisé par le clergé druidique, il alimentait les banquets rituels organisés en préalable au sacrifice, ou à l'occasion de grandes fêtes religieuses. Au vin versé lors des libations s'ajoutaient d'autres fonctions, notamment sacrificielles et divinatoires. Le bris, la décapitation symbolique et la crémation des amphores semblent inspirés par leur aspect anthropoïde : haussées au rang de symbole vivant, elles ont pu se substituer aux victimes humaines ou animales. Offrande principale ou accessoire, le vin était valorisé aussi bien pour ses effets positifs que négatifs : l'ivresse qu'il procurait, moyen d'accéder aux états de transe qui rapprochent l'Homme des divinités, semble avoir été exploitée à des fins oraculaires et médicinales. Elle intervenait également lors de cérémonies liées au cycle agricole et à la fertilité du sol : le vin déversé dans des puits et des fosses procédait de rites « chtoniens » mêlant, dans une même matrice terrestre, offrandes de vin et dépôts de céréales, de meules ou d'outils agricoles.
Les divinités honorées par ces pratiques revêtaient des formes aussi diverses que les rites et les contextes qui leur étaient dédiés L'offrande souterraine d'amphores et de vaisselle pourrait renvoyer à Taranis ou Dis Pater, figure centrale du panthéon gaulois réunissant dimension « chtonienne » et idéologie du chaudron, ancêtre du Su¬cellus gallo-romain associé au motif de l'amphore, du tonneau et du gobelet ; Mars, pour les libations guerrières, Déméter et Corè, pour les cultes de fertilité agricole, Cer¬nunnos ou Mercure, protecteur du commerce, font également figure de candidats. Les textes comme l'archéologie laissent entrevoir une grande variété de figures qui ne rend que plus patente l'absence de Dionysos, dieu du vin dont le culte n'a jamais pris racine en Gaule.
L'utilisation du vin dans le rituel funéraire doit être envisagée dans une double perspective : libations aux morts et dépôts d'offrandes vinaires renvoient aussi bien à la notion d'alimentation post mortem qu'à celle de sacrifice : la présence d'amphores brisées et incinérées à l'image des dépôts de sanctuaires laisse à penser qu'ils s'adressaient
aussi bien au défunt qu'aux divinités en charge de son âme. Quelques découvertes suggèrent que le vin a pu être utilisé, comme en Grèce, pour laver les os du défunt.
La mise en valeur du vin par les sphères du pouvoir intervenait à différents niveaux : outre son rôle actif dans les délibérations politiques et juridiques, il servait aussi bien à légitimer le pouvoir en place, à alimenter la surenchère opposant différentes composantes de la noblesse, qu'à raf¬fermir les liens de clientélisme et de mercenariat, sous forme de grandes manifestations à visée évergétique et clientéliste. Malgré son accumulation sur les oppida, mar¬chés et autres sites à vocation commerciale, la valeur éco¬nomique du vin ne se limitait pas à celle d'une simple marchandise monnayable : bien d'échange à part entière, mis à plan d'égalité avec l'or ou l'argent, utilisé dans le cadre de relations diplomatiques à courte ou longue dis¬tance, les amphores figurent également sur les légendes monétaires, au titre d'emblème politique. Leur gaspillage ou leur destruction lors des libations représentaient elles- mêmes une forme d'économie, fondée sur la thésaurisa¬tion et la mise en communauté de biens « réalisés » socia¬lement par des attitudes ostentatoires.
Il est difficile d'établir la part des amphores ayant fait l'objet d'une consommation publique ou privée, sacrée ou profane. Le vin consommé à titre individuel, qui n'a pas retenu l'attention des auteurs antiques ne concernait que les classes les plus aisées ; il ne saurait être confondu avec une consommation « quotidienne » que le rythme d'im¬portations ne suffisait pas à alimenter. Les femmes sem¬blent tenues à l'écart de ces pratiques à connotation guer¬rière et masculine, sinon dans un contexte très tardif, pos¬térieur à la Conquête.
Appréhendée dans le temps et dans l'espace, l'histoire de la consommation vinaire en Gaule préromaine trahit de longues phases de discontinuité et de nombreuses dispari¬tés régionales. Elle se décompose en deux phases dis¬tinctes: la première, au Hallstatt final, la seconde à la fin de l'Âge du Fer, deux périodes marquées par de profon¬des mutations sociales et politiques. Elle puise sa source dans une tradition millénaire de pratiques festives faisant appel aux boissons fermentées locales (hydromel, bière), propres à l'ensemble des cultures archaïques de l'Âge du Bronze européen. Cette tradition se heurte, au VIe s. av. J.-C., à une première tentative d'ouverture aux rites du symposium grec. Le vin connaît fait une apparition très limitée au nord des Alpes. Sa consommation s'inscrit, dès l'origine, dans le cadre des manifestations religieuses pré¬sidées par l'aristocratie, dans les tombes comme sur les sanctuaires. Elle demeure liée à une forme très éphémère de pouvoir « princier », dont le déclin s'amorce dès le Ve s. av. J.-C.
Lui succède une longue phase de repli sur les boissons lo¬cales, concomitante avec l'émergence d'une nouvelle classe guerrière et sacerdotale qui se traduit par la fonda¬tion des grands sanctuaires de Gaule septentrionale. L'absence totale d'amphores dans la Gaule des IVe et IIIe siècles trahit une attitude de rejet volontaire, prônée par un clergé réactionnaire réticent aux influences extérieures.
Écarté des modes de représentation de l'élite, le vin cède la place à la bière consommée dans les assemblées guer¬rières du koinon archaïque. Son implication dans les rites sacrificiels, les festins d'alliance et de victoire élargis à un cercle de plus en plus large de participants, forme le creuset des grandes manifestations collectives qui émer¬geront au siècle suivant.
L'accroissement des liens de dépendance sociale et mili¬taire provoque, dès la fin du III s. av. J.-C., la résurgence de pôles de pouvoir individuels qui se livrent une concur¬rence acharnée. La quête de produits chargés d'une forte plus-value favorise la reprise d'échanges commerciaux rompus depuis plus de deux siècles. Valorisé pour son exotisme, son goût original, ses facultés de conservation et sa couleur sanguine, le vin se hisse peu à peu au pre-mier rang des boissons consommées au festin : bu « à la manière » de l'hydromel, il est rapidement intégré au ca¬dre rituel indigène.. Ce nouveau commerce connaît, au cours du Ir s. av. J.-C., un rapide essor sous la double ac¬tion des commerçants italiques implantés en Gaule Tran¬salpine et d'une consommation qui finit par gagner tous les rouages de la vie publique : sanctuaires, enclos, hérôa et résidences aristocratiques, cadres de ces cérémonies collectives qui connaissent leur apogée entre la fin du IIe s. av. J.-C. et le début du Ie s. av. J.-C.
Le milieu du siècle accuse un net resserrement des dé¬couvertes d'amphores au domaine funéraire, en particu¬lier, aux sépultures de l'élite. Loin de se généraliser à tou¬tes les couches de la société, le vin semble réapproprié par les classes dirigeantes : détournement progressif des for¬mes de festivités collectives au profit des pouvoirs indivi¬duels, adoption de nouvelles coutumes méditerranéennes ou raréfaction du produit ? Cette période marque, quoi qu'il en soit, le retour à une certaine « normalité » qui ne frappe que par contraste avec les quantités considérables de vin qui circulaient dans la Gaule d'avant la Conquête.
Contre toute logique historique et économique, la Guerre des Gaules accélère le déclin de ce courant d'importation fondé sur la demande indigène : l'abolition des formes de festivités traditionnelles mettant en péril le nouvel équili¬bre prôné par l'occupant, l'intégration des élites dans l'ar¬mée romaine, le passage à de nouveaux modes de consommation et de représentation, inaugurent un nou¬veau rapport au produit, caractérisé par un ancrage plus marqué dans la sphère quotidienne et l'essor de la produc¬tion locale.
La prise en considération des particularismes régionaux et des grands ensembles culturels qui dominent la Gaule du second Âge du Fer, nuance le sentiment d'unité qui res¬sort de la large dispersion des dépôts et des rituels étudiés. Comme au premier Âge du Fer, il semble possible de dis¬tinguer deux faciès de consommation. Le premier, dit « hiératique », propre aux sociétés « égalitaires » du Midi, consiste dans la redistribution ostentatoire de grandes quantités de vin destinées à alimenter les luttes sociales le second, dit « hiérarchique », propre aux sociétés élitaires du nord de la Gaule, prône la valorisation de faibles quantités de vin sacralisé à l'extrême, par le biais d'accessoires métalliques mis en valeur dans les tombes. Au pre¬mier faciès correspondent les régions de Gaule du Centre et du Centre-Est (Arvernes, Éduens, Ségusiaves), où le vin figure en grandes quantités sur les sites de sanctuaires et d'enclos dédiés à la pratique du festin. Fondés sur une logique redistributive et clientéliste, ils témoignent, avec l'absence de sépultures « riches », de sociétés peu hiérar¬chisées, divisées par les luttes de pouvoir. D'étroits liens commerciaux avec Rome (« zone du denier ») y assurent un approvisionnement soutenu en vin importé. Attaché à une tradition rituelle indigène, ce bloc se distingue des ré¬gions de Narbonnaise et d'Aquitaine, situées à la source des importations et plus précocement romanisées. Les ac¬cessoires du symposium y figurent dès le IIe s. av. J.-C. dans les tombes, en association avec le dépôt d'amphore.
Au second faciès correspondent les régions de Belgique orientale, de la Gaule Atlantique et du Nord-Est, où des quantités de vin plus restreintes se concentrent principale¬ment, à l'instar de la vaisselle métallique, entre les mains d'une élite foncière et militaire ouverte aux apports com¬merciaux et culturels extérieurs : la majorité des dé¬couvertes concerne les sanctuaires, les sépultures et les résidences à caractère « aristocratique », où elles étaient valorisées dans le cadre d'une liturgie traditionnelle d'abord fondée sur les boissons locales.
Une rupture très nette sépare ces régions de celles établies plus en périphérie (Belgium, Armorique, plateau suisse, espace rhénan et île de Bretagne), où le vin n'apparaît qu'en faibles quantités et à une date tardive dans certains contextes bien précis : résidences aristocratiques, sanc¬tuaires ou autres contextes votifs (sépultures, Viereck¬schanzen, mégalithes). Sa part est très minoritaire, dans une tradition de festin indigène possédant ses propres ac¬cessoires, sacralisée à l'extrême par une forme de pouvoir autarcique, soumis à des institutions politico-religieuses réfractaires à tout apport extérieur.
Ces différents faciès recouvrent des oppositions culturel¬les, politiques et sociales très profondes, dont la logique dépasse la vision d'une Gaule simplement divisée entre logiques « égalitaires » et « élitaires », entre partis « tradi¬tionnalistes » et « pro-romains ». Banquets et rites de boisson marquent la rencontre de concepts aussi opposés qu'idéologie du vin (amphores, cratères, situles, simpula, coupes à boire) et idéologie de la bière ou de l'hydromel (seaux, chaudrons situles, vases à boire indigènes), sym¬posium et festin archaïque, enclos à banquet et sépultures aristocratiques... Ces options culturelles connaissent, se¬lon les régions, des limites très nettes ou des zones de transition, qui évoluent au fil du temps. Elles témoignent d'un « choc » culturel et historique dont les textes se font l'écho et dont les principaux emblèmes, l'amphore et le chaudron, s'illustrent sur les légendes monétaires.
Abstract :
The stereotype of the drunken Celt is amongst the most legendary clichés in ancient literature: from the 4th cen¬tury BC to the 6th century AD, not less then thirty texts mention the state of the Gaul's consumption of alcoholic drinks, native or imported, stolen or bought at great ex¬pense. This reputation is apparently supported by dig sites throughout Gaul, where imported wine circulated since the Hallstatt period, the 6th century BC. It is at the end of the Iron Age, from the 2nd to the 1st centuries BC, that this trade knew its true expansion: an era of which hundreds of thousands of Italian amphorae were imported and dif¬fused throughout Gaul, attesting to the existence of a wide-spread native commerce, which included a volume of several thousands of hectoliters of wine per year.
From the postulant that the origins of this phenomenon lies in the structure and the internal evolutions in Gallic society, this study focuses in the cultural vectors of the wine trade, the sociological value of wine, the identity of its target audience, its methods of consummation and its perception by the indigenous societies.
This study puts a focus on the existence, accounted in sources, of collective practices and rituals based on alcoholic beverages, in the value specified by the indigenous elite and in their use in feasts and religious ceremonies which were apart of public life. The evidence is supported on taphonomic analysis of amphora deposits which is based on the composition and the spatial distribution of the deposits; the method of formation and the ritual manipula-tions of which they were subjected (voluntary destruction, selective sorting, cremation, recycling) as well as an association with a certain code with strong sociological con¬notations or symbolism (weapons, metal vessels, human remains, animal deposits and other relevant objects in the cultural or funeral domain).
The distribution map of the first graeco-italic amphorae in Gaul in the middle of the 2nd century BC, illustrates a reestablishment of contact with the south after more then two centuries of interruption in commercial exchange, which seems to take place independently of other external constraints; well preceding, in any case, the creation of the Narbonnese province, in approximately 120 BC. This enactment equally aided to the decline of the trade: the middle of the 1st century BC witnessed a brutal fall in importations which seems to have been initiated from before the Gallic War.
The phenomenon appears to very quickly overtake the whole of the territory, without possibly revealing a geological or historical "logic" which masters the progression. The determining factor of this distribution seems to be related in neither the existence of natural resources, nor in the strategic position of important regions, nor in their political predispositions in relation to Rome. Political and social necessity, the cultural heritage in all people, takes priority over natural or logistical contingency. The initiative of exchanges fell upon the independent Gallic societies, who defined from beginning to end the methods of their consumption. These observations go against the current of existent economic and historical schemas: they account the commercial origins in the native demand, rather then in the roman commercial supply.
The quantificative approach of the discoveries, the statistical analysis of funeral artifacts and the accounting of untouched sites by the disturbances inherent in large inhabited areas, confirm the aristocratic spirit of wine and its rituals: from the end of the 3rd to the end of the 1st century BC, wine amphora and banquet equipment subsist in the privileges of a warrior elite, in the same consideration as the wagon burial or weapons. They deliver no clue of a "democratization" of the product, which could explain an increasing share of importations and a generalization of wine in all the classes of the population. They leave, nevertheless, glimpses of several hierarchical degrees: from the summit of the social body, who are entitled to organize and preside over the ceremonies as keeper of the tools destined for the preparation and the communal service of food and drink, to the simple authorized guests that participate with their personal accessories.
Contrary to popular ideas, it clearly appears that the diffusion of wine is not related to the Graeco-roman symposium system: its accessories (simpula, situles, pitchers, patella, bronze basins, craters and drinking services in campanian vessels) does not appear outside of the Narbonnese province, until a late date, posterior to the roman conquest and more then a century after the arrival of the first wine amphora. Large cauldrons, iron dogs, and pairs of buckets, nevertheless, witness the attachment to an archaic festive tradition, abandoned for a long time in the Graeco-roman world. The fundamental conservatism in the Celtic banquet, integrates wine without modifying its basic substance, which persists in the absence of other Mediterranean products (oil or brine). These amphorae restore the image of an imported product which is hidependent to the functions and the ideology which saturated its original culture.
This consummation adopts a different cultural dimension then in the south of the Alps and does not participate primarily in the foodstuffs or physiological realm. It responds to a conscious and selective choice, employed by the indigenous societies familiar with fermented local beverages (beer and mead). The endurance of the traditional banquet accessories show that it is not a substitute to their consummation: it is inserted into the structure of preexisting rituals.
Suggested by texts, the use of imported wine in religious practices at the end of the Iron Age constitutes from then on a tangible archaeological reality. Continuity and "revelation" of these practices, amphora engraves in the heart of symbolic assimilation, through metonymy; the container for the content, the product for the effects it produces. The confined analogy of treatment which unites these deposits to other categories of offerings, brings to light the systematic presence in the great sanctuaries of temperate Gaul. Wine had growing significance, according to repeated inflicted rituals on other offerings: by voluntary mutilations of which it is subjected, cremation rites, meticulous selection of parts and of burial, highly organized deposits, the amphora transforms into an actual sacred object.
This substance was consumed in great feasts, described in ancient texts in great detail and materialized by some thousands of amphora fragments and accumulated bones in huge trenches or in the walls of the sanctuaires. The method of deposition attest to simultaneous consummations, by a large community, in vast quantities of food and drink: hectoliters of wine and/or beer, choice cuts of meat from young pore or lamb, cereals... These feasts required the use of specific accessories, utensils for cooking and metal vases reserved for the collectivity rather than domestic use. Some of them, the cauldrons for example, adopted a liturgical function: cutting and cooking of meat, solemn preparation of drinks, the combined practice of meal and of sacrifice came along with precise rituals, which were accomplished prior to the action of eating, or during its conclusion.
Libations of wine in honor of the divinities or to the dead represented a fundamental practice similar to the Graecoroman liturgy. Offerings of full amphora, dispersed or arranged in the bottom of shafts as offerings to the Earth, or partial libations, which benefit, in the sanctuaries, from concrete archaeological indications: shafts, trenches, ditches and drains destined to channel a liquid into the earth, associated to large quantities of amphora, found in direct equivalence in the known bothroi in archaic grec sanctuares. The same patterns are intergrated into the organization of graves, where they served as provisions for the deceased.
Feasts and libations accompany other imposed manipulations to the banquet remains and accessories, observed by rigorous ritual norms, occasionally at distances of some hundreds of kilometers.
The breaking open of amphora, with the assistance of weapons and tools, constitutes the most recognizable phase. The state of extreme fragmentation of certain deposits indicates a volontary and systematic destruction, which is obvious in the ritual damage inflicted on metal offerings found in sanctuaries: fragments of amphora and pieces of weaponry often desplay the same traces of blade impacts or striking. This sanctified gesture focuses on consecrating the remains of the feast, in utterly destroying the collection of goods and invested accessories, for the exclusive use of the deities.
The break of amphora by "severing", witnessed by the discovery of corked necks and the impacts from a blade, evoke a symbolic decapitation ritual of the vessel. The separation and the meticulous selection of bodies and necks could be interpreted in the light of dismemberment rituals known in sanctuaries in Northern Gaul. This parallel is reinforced by the combined deposit, in certain sanctuaries, from neck elements, skulls or a contrario, of a decapitated body in the vicinity of decapitated amphora. Probably inspired by the anthropoid form of the amphora, this practice betrays the more general link which unifies, with the Celts, the significance of the skull and the effects of alcohol (as in skulls and helmets used as drinking cups).
The cremation of amphora, of which certain burnt fragments display with deformations created by a violent fire, likewise shows a form of sacrificial destruction. It gives the idea of purification and evaporation of the product, by analogy the sacrificed wine with incense from Graecoroman altars or poured over incandescent bonfires in the honor of ouranian gods.
The burial of deposits in natural or deep artifical shafts, hole or ditches, constitutes the last phase of the ritual, by which the consumed goods are definitively separated from the profane world. These favissae, decorated holes in which the sanctuary gathers the remains of the cultural events, addressed also the chtonian gods living in the earth; as in the immersion of the amphora and the banquet tools in rivers, and in wells or at the bottom of natural shafts. These deposits often had an organised character (alignments, circular or triad compositions, vessels aligned and/or piled top to bottom, reconstructed amphora from diverse fragments), which betrays the will to create a setting, for protection or for symbolic separations.
This operation took on, in certain cases, an ostentatious and purely symbolic dimension. In or near graves, sanctuaries or in certain offering depositions, intact amphora deposits are accompanied usually with a heap of residual fragments, sometimes taken from domestic remains. This procedure had a symbolic abondance, aimed at emphasizing the wealth of the deceased or of the community. A simple fragment was sometimes enough to summon the image of the contents (pars pro toto); certain examples display engraved dedications, carved in the form of statuettes, amulettes or tokens, which could play a more active role in the ritual.
These rituals were exercised at a variety of scales : in the walls of the great confederated sanctuaries, or in the modest places of rural cult, in the middle of nature or in the heart of a palisade of diverse sizes (the largest in imitation of the Viereckschanzen model, the most humble were attached to houses).
Certain places of cult amassed considerable quantities of wine in their walls seemingly to have been dedicated specifically to this use: this activity makes a call to identified libation types in shafts, ditches, favissae, and other "hollow altars", garnished with amphorae, metal vessels and ceramics used during the festivities and the service of the cult. The journey of the amphora in the heart of the sacred space, obeyed set standards: their opening followed by libations, realized in the interior or in the proximity of the temples; the wine consumption in the vast spaces or monumental galeries fixed in the periphery; their debris buried or transfered to the perimeter of the cultural area, along the enclosing wall.
These "libation sanctuaries" recorded in the margins of the identification field of traditional sanctuaries, focused essentially on the warrior aspects and was limited in diffusion to the fringes of the Western and Septentrional Gaul. Their activity often appears to center on fertility cults, materialized by the deposit of amphora, millstones, and agricultural tools. This sharp cultural censorship seperates, in this regard, the regions situated on each side of the Loire and Seine river. Longtime annexed in Aquitania, these sanctuaries spread throughout Gaul from the Mideast to the Midwest. The wine amphora deposits in the "offering" shafts, in particular, uncover a common reality in the whole of the Western Celtic territory, proportional to the volume of regional importation. It materializes the meeting of libation practices based on wine symbolism, known in the Mediterranean since the 8th century BC, partly a tradition of vessel and food offerings burials persisted in temperate Gaul since the Bronze Age, partly where the indigenous beverages most likely held precedence.
These practices spread out to a vast series of rectangular ditched enclosures caracterised by their isolated postion and the absence of habitations and domestic items. Considerable quantities of amphorae have been uncovered, often associated with weaponry, metal vessels, and other prestige goods, designating certain of them as reserved spaces in a sort of religious, political, or judicial assemblies. These "banquet enclosures" present, as in sanctuaries, clearly different scales in relation to the importance of the demonstration and the number of guests. The most important examples agrees with the first interpretation of Viereckschanzen from Germany, as assembly places for festive and religious functions. Certain monumental buildings for collective and/or religious aims, seem to have filled the same function. These enclosed structures are the protohistorical equivalent to "theaters" which served as, according to Poisonios, the setting for Celtic feasts; without a doubt preceeded in their function, these Gallo-roman event edifices dedicated to community gatherings and/or cult services. Their border position underlines their probable role in the definiition of alliances and the mediation of territory conflits.
The reproduction of these practices in the private domain
is illustrated in small enclosures more or less intergrated in the habitat for festival and/or cultural functions; the miniature version of the vast enclosures and public sanctuaries, they were adapted to organized events to the family, clan, or agricultural community scale, presided by an entitled elite for private cult services. Certain votive deposits in trenches or in shafts, made of amphora, weaponry, human remains and/or metal vessels were buried in domestic zones, witnessing the libation rituals practiced in the heart of the habitat, in the likeness of roman "lararia".
The feast and libation services in the funeral setting is illustrated through the omnipresence of wine and amphora on the sites of incinerations or burials during this period; the boundary with the cultural domain is not always easy to corroborate. The utilization of wine in the funeral banquet and in the conclusion of the funeral pyre constitutes an objective reality, attested in certain funeral sites, the possibility of multiple and complex functions for the amphora deposits in and around the tombs. The offering of whole amphora, always connected to their content, is far from being the rule. It is rarely attested before the 1er century BC, it corresponds to a late custom, related to the romanization of funeral practices. One form anterior to funeral wine utilization consists in the sacrifice of broken and burnt vessels to the gods, an image of which is present in contemporary sanctuaries. This ritual proximity is expressed equally through the environmental link which reunites, in certain cases, sanctuaries and aristrocratic interments garnished with wine offerings: in the setting of regularly performed libations in the honor of the deceased and the gods, these structures belong directly to heroa, known in the Greek world.
These given discoveries invite to redefine the established status of imported wine in the Gallic societies. This consumption rests on the original ideological foundation, fundamentally opposed to the image of the dionysian symposium and its hedonistic logic - even if it was the occasion of real pleasure. It intervenes on all levels of public activities: war conduct, political assemblies, elections, religious and funeral ceremonies, gatherings...
The texts show that wine consumption was often associated with a military context, in combat settings, prior to the battle, as a form of "magic potion" reported to amass force and courage in the warrior. In armed reunions preceding the mobilisation of the troops as to guarantee pledges and blood alliances, or in victory ceremonies, it was offered in compensation or as payment to the troops.
The wine intervened, more globally, in all the domains of the religious activities: tapped and instrumented by the druid clergy, wine supplied to the ritually organized banquets prior to the sacrifice, or on the occasion of great religious feasts. The libations of flowing wine had different functions, notably of sacrifice and divination. The break, the symbolic decapitation and the cremation of amphora seems to be inspired by its anthopomorphic aspect: raised to the rank of a living symbol, they could be substituted for human or animal victims. Principle or accessory offering, wine was valued as much for its positive effects as for its negative: the intoxication as a means to access trance states which approached Man to the gods, seems to have been exploited for oracle purposes. Wine intervenes equally in ceremonies linked to the agricultural cycle and earth fertility: wine poured into shafts and ditches proceeded "chtonian" rituals mixing, in the same matrix layer, of wine offerings and cereal deposits, millstones, or agricultural tools.
The deities honored by these practices assume formes as diverse as the rituals and the contexts which were dedicated to them, underground amphora offerings could be sent to Taranis or Dis Pater, a central figure in the Gaulish pantheon which reunited the "chtonic" dimension and ideology of the cauldron, ancestor to the Gallo-roman Sucellus associated with amphora, cask, and gobelet; Mars, for warrior libations, Demeter and Core, for the agricultural fertility, Cernuunos or Mercury, proctector of commerce, equally figure as cadidates. The ancient sources and archaeology leave a glimpse of a great variety of figures that only makes more obvious the absence of Dionysus, god of wine whose cult never got established in Gaul.
The use of wine in funeral rituals must be envisioned with a double perspective: libations to the dead and the deposits of wine offerings refer as much to the notion of post mortem consumption as to that of sacrifice: the presence of broken and burnt amphora just as in sanctuary depositions leaves the impression that it addressing as much to the deceased as to the deities in charge of their spirit. Some discoveries suggest that the wine could be used, as in Greece, to wash the bones of the deceased.
The value of wine specified by those in power intervened on different levels: other than its active role in political and judicial deliberations, it served as well as legitimizing the power in place, to subdue the different opposing groups of nobles, which reaffirms the clientage and mer¬cenary connections, in the form of great demonstrations aimed at philanthropy and clientage. Inspite of its accumulation in oppida, markets, and other commercial places, the economic value of wine is not limited to that of a simply lucrative merchandise: an exchangable good on its own, equal to gold or silver, used in the settings of diplomatic relations for long or short distances, amphora figure equally on currency directories, with a claim of political emblems. Their waste or destruction during the libations represent a type of economy, based on the collection phenomenon and the dedication to the community of goods "realized" socially with ostentatious attitudes.
It is difficult to establish the part that amphora played, in public or private consumption, as sacred or profane. The wine consummed on a personal basis, which did not capture the attention of ancient authors, merely concerned the elite; it shouldn't be mistaken with a "daily" consumption that the importation trade was not robust enough to support. Women appeared to be held apart from these practices which had warrior and masculine connotations, until later contexts, after the Conquest.
Understood in time and space, the history of wine consumption in preroman Gaul is betrayed by long phases of discontinuity and of numerous regional disparities. It is decomposed into two distinct phases: the first in the final Hallstatt, the second in the end of the Iron Age, two periods marked by profound social and political mutations. It takes its sources in the the millenial tradition of festive practices that makes an appeal to local fermented beverages (beer, mead), in the entirety of the European Bronze Age cultures. This tradition propells, in the 6th century BC, a first tentative initiation of Greek symposium rituals. Wine knew a limited appearance in the north of the Alps. Its consumption fixed, from the beginning, into the setting of religious ceremonies presided by the aristocracy, in tombs as in sanctuaries. It remains linked to a form of ephemeral "princely" power, of which the decline is triggered from the 5th centry BC.
A long phase filled with local beverages follows, concomitant with the emergence of a new warrior and sacerdotal classes which translates by a creation of large sanctuaries in septentrional Gaul. The total absence of amphora in Gaul in the 4th and the 3rd centuries berays an attitude of voluntary rejection, extolled by a reactionary clergy reluctant to any exterior influences. Apart from the display of privilege among the elite, wine yields its place to beer consumed in the warrior assemblies of the archaic koinon. The implication of these sacrificial rites, alliance and victory feasts enlarges more and more the circle of participants, creating a mixing pot of immense collective manifestations which emerge in the following century.
The growth of these links of social and military dependance provokes, towards the end of the 3rd centry BC, the resurgence of poles of individual power which deliver a fierce competition. After two centuries of disregard, the quest for products with a strong appreciation favorized the recovery of commercial exchanges. Importance in its exotic character, its original taste, its conservation abilities and bloodlike colour, wine rises little by little to the highest rank of beverages in the feast: drunk "in the manner" of mead, it is rapidly intergrated to the indigenous ritual framework. This new trade saw, during the 2nd century BC, a rapid rise with the double action of the italian merchants implanted in Transalpine Gaul and in the consumption which finishes by conquering all the mechanisms of the public life: sanctuaries, enclosures, heroa and aristrocratic residences, in the framework of these collective ceremonies which knew its apogee inbetween the end of the 2nd century to the beginning of the 1st century BC.
The middle of the century witnesses a sharp reduction of amphora discoveries in the funeral domain, in particular, to the graves of the elite. Far from generalizing to all the levels of society, wine seems to be adopted by the ruling classes: progressively turning away from the type of collective festivities to profit for personal power, to adopt a new Mediterranean customs or a rarified product. This period marks, be that as it may, the return to a certain "norm" that stands out only in contrast to the considerable quantities of wine which circulated in Gaul before the Conquest.
Against all historical and economic logic, the Gallic War accelerated the decline in the flow of importation based on the indigenous demand: the abolition of the traditional festivities put in peril the new equilibrium extolled by the occupants, the intergration of the elite in the roman army, the passage to new methodes of consumption and representation, inaugurate a new relationship to the product, characterized by a stronger attachment to the daily routine and the rise of a local production.
The consideration of regional particularities and the great cultural ensembles which dominate Gaul in the second Iron Age, nuances the sentiment of unity which springs from the study of the large dispersal of deposits and rituals. As in the first Iron Age, it seems possible to distinguish two aspects of consumption. The first, called "hieratic", known to "egalitarian" societies from the Southern Gaul, consists in ostentatious redistribution of large quantities of wine destined to supply social struggles; the second called "hierarchic", known in elitest societies in Northern Gaul, extremely extolling the value by distributing tiny quantities of sacred wine, by the biais of valuable metallic accessories in tombs. The first aspect corresponds to the Center and Center-east regions of Gaul (Arverni, Eduens, Segusiaves), where wine appears in large quantities in sanctuary sites and enclosures dedicated to feast practices. Established with a logic of redistribution and clientage, it witnesses the absence of "rich" graves, a society with little hierarchy or divisions by power struggles. Close commercial connections with Rome ("the denarius zone") assured a constant supply of imported wine. Attached to a native ritual tradition, these block distinguishes the Narbonnese and Aquitania regions situated as the source of the importations and more precociously romanized. The accessories of the symposium appear from the 2nd century BC in tombs in association with amphora deposits.
The second aspect corresponds to the regions of Eastern Belgium, the Atlantic and Northeastern Gaul, where the quantities of wine were more restraint and concentrated
principally, as with metallic vessels, in the hands of a landowner and warrior elite open to commercial contributions and exterior cultures: the majority of discoveries concern sanctuaries, graves and characteristically "aristocratic" residences, where they were valued in the framework of a traditional liturgy primarily based on local beverages.
A sharp rupture separates these regions from those established in the periphery (Belgium, Armorica, Swiss Mitelland, Rhine area and the island of Britain), where wine appears only in small quantities and at a very late date in certain precise sources: aristocratic residences, sanctuaries, and other votive contexts (sepulchers, Viereckschanzen, megaliths). Its part is minor, in the native feasting tradition possessing its own accessories, sacred to an extreme by a form of autarchic power, subdued by politico- religious institutions rebellious to all exterior contributions.
These different aspects cover the profound cultural, political and social oppositions for which logic depasses the vision of one Gaul simply divided between "egalitarian" and "elitist" logics, between "traditionalist" and "pro- roman" factions. Banquet and drinking rites mark the meeting of concepts as opposed as the ideology of wine (amphora, cratere, situle, simpula, drinking cups) and the ideology of beer or of mead (buckets, situle, cauldrons, indigenous drinking vases), symposium and archaic feasts, banquet enclosures and aristocratic burials... These cultural options knew, according to regions, clear limits or transitional zones, which evolved through time. They witness a historical and culture "shock" of which sources make a resonance to the principal emblems, of which the amphora and the cauldron, are illustrated on the legends of coinage.
Le motif du Celte ivre compte parmi les clichés les plus constants de la littérature antique dédiée aux peuples barbares: du IVe s. av. J.-C. au VIe s. apr. J.-C., pas moins d'une trentaine de textes font état du goût des Gaulois pour les boissons alcoolisées, indigènes ou importées, pillées ou acquises au prix fort. Cette réputation semble corroborée par l'archéologie : en Gaule, du vin importé circule dès l'époque du Hallstatt, au VIe s. av. J.-C. C'est à la fin de l'Âge du Fer, aux IIe et Ier siècles avant notre ère, que ce commerce connaît son véritable essor : époque à laquelle des centaines de milliers d'amphores importées d'Italie sont diffusées dans toute la Gaule, attestant l'existence d'un vaste marché indigène, portant sur un volume de plusieurs milliers d'hectolitres de vin par an.
Partant du postulat que les origines du phénomène résident dans la structure et l'évolution internes des sociétés gauloises, cette étude s'intéresse aux vecteurs culturels du commerce, à la valeur sociologique du vin, à l'identité de ses destinataires, à ses modalités de consommation et à sa perception par les sociétés indigènes.
Elle met l'accent sur l'existence, évoquée dans les textes, de pratiques collectives et rituelles faisant appel aux boissons alcoolisées, sur leur valorisation par les élites indigènes et sur leur utilisation dans les festins et les cérémonies religieuses rythmant la vie publique. Leur mise en évidence s'appuie sur l'analyse taphonomique des dépôts d'amphores, qui porte sur la composition et la distribution spatiale des dépôts, leur mode de formation et les manipulations rituelles dont ils ont pu être l'objet (destructions volontaires, tri, crémation, réutilisations), ainsi que sur leur association avec certains marqueurs à forte connotation sociologique ou symbolique (armement, vaisselle métallique, restes humains, dépôts animaux et autres objets relevant de la sphère cultuelle ou funéraire).
La carte de répartition des premières amphores italiques parvenues en Gaule au milieu du IIe s. av. J.-C. illustre une reprise des contacts avec le sud après plus de deux siècles d'interruption des échanges commerciaux, qui semble s'effectuer indépendamment de toute contrainte extérieure ; bien antérieurement, en tous les cas, à la création de la Province de Narbonnaise, vers 120 av. J.-C. Ce constat s'applique également au déclin de ce commerce : le milieu du premier siècle avant notre ère connaît une chute brutale des importations qui semble s'amorcer dès avant la Guerre des Gaules.
Le phénomène semble atteindre très rapidement l'ensemble du territoire, sans qu'il soit possible de dégager une « logique » géographique ou historique qui en régisse la progression. L'existence de ressources naturelles ou la position stratégique des régions importatrices, pas plus que leurs prédispositions politiques à l'égard de Rome, ne semblent constituer le facteur déterminant de cette diffusion. Les nécessités politiques et sociales, l'héritage culturel de chaque peuple, y mimaient sur les strictes contingences naturelles et logistiques. L'initiative des échanges incombait à des sociétés gauloises indépendantes, qui définissaient en amont et en aval les modalités de sa consommation. Ces observations vont à contre courant des schémas économiques et historiques existants : elles inscrivent les origines du commerce dans la demande indigène, plutôt que dans l'offre commerciale romaine.
La quantification des découvertes, l'analyse statistique du mobilier funéraire et la prise en compte d'ensembles clos épargnés par le brassage inhérent aux grands sites d'habitat, confortent l'essence aristocratique du vin et de ses rituels : de la fin du IIIe à la fin du Ier siècle avant notre ère, amphores vinaires et ustensiles de banquet demeurent l'apanage de l'élite guerrière, au même titre que le dépôt de char ou le port d'armes. Les tombes comme les habitats ruraux ne livrent aucun indice d'une « démocratisation» du produit, qui irait dans le sens d'un partage croissant des importations et d'une généralisation du vin à toutes les couches de la population. Ils laissent, en revanche, entrevoir plusieurs degrés hiérarchiques : du sommet du corps social, habilité à organiser et présider les cérémonies, détentrice d'ustensiles destinés à la préparation et au service collectif des mets et des boissons, aux simples convives autorisés à y participer, avec leurs accessoires personnels.
Contrairement à une idée très répandue, il apparaît clairement que la diffusion du vin n'est pas liée à celle du symposium gréco-romain : ses accessoires (simpula, situles, cruches, patères, bassins en bronze, cratères et services à boire en vaisselle campanienne) n'apparaissent, en dehors de la Narbonnaise, qu' à une date très tardive, postérieure à la conquête romaine et plus d'un siècle après l'arrivée des premières amphores vinaires. Grands chaudrons, landiers en fer et paires de seaux, en revanche, témoignent de l'attachement à une tradition festive archaïque, délaissée depuis longtemps dans le monde gréco-romain. Le conservatisme propre au banquet celtique, qui intègre le vin sans modifier ses prescriptions alimentaires, se traduit également par l'absence d'autres produits méridionaux (huile ou saumures). Les amphores restituent l'image d'un produit importé indépendamment des usages et de l'idéologie qui l'entouraient dans sa culture d'origine.
Sa consommation revêtait une toute autre dimension culturelle qu'au sud des Alpes et ne participait pas primaire- ment de la sphère alimentaire ou physiologique. Elle répondait à un choix conscient et sélectif, opéré par des sociétés indigènes habituées aux boissons fermentées locales (bière et hydromel). La permanence des accessoires du banquet traditionnel montre qu'il ne se substitue pas à leur consommation : il vient s'y greffer, dans le cadre de rituels préexistants.
Suggérée par les textes, l'utilisation du vin importé dans les pratiques religieuses de la fin de l'Âge du Fer constitue désormais une réalité archéologique tangible. Fil conducteur et « révélateur » de ces pratiques, les amphores s'inscrivaient au coeur d'une symbolique assimilant, par métonymie, le contenant à son contenu, le produit aux effets qu'il engendre. L'étroite analogie de traitement qui unit ces dépôts à d'autres catégories d'offrandes éclaire leur présence systématique sur les grands sanctuaires de Gaule tempérée. Le vin y était mis en valeur, au travers de rituels calqués sur ceux infligés aux autres offrandes : par les mutilations volontaires dont elle est l'objet, les rites de crémation, de sélection minutieuse des parties et d'enfouissement, sous forme de dépôts organisés, l'amphore se mue en véritable objet de consécration.
Leur contenu était consommé lors de grands festins, décrits de manière détaillée dans les textes antiques et matérialisés par ces milliers de tessons d'amphores et d'ossements accumulés dans de grands fossés d'enclos ou dans l'enceinte des sanctuaires. Leur mode de dépôt atteste la consommation simultanée, par une communauté nombreuse, de grandes quantités de nourriture et de boisson: hectolitres de vin et/ou de bière, morceaux de choix prélevés sur de jeunes porcs ou de jeunes moutons, céréales... Ces festins mettaient en oeuvre des accessoires spécifiques, ustensiles de cuisson et vases métalliques, réservés à la sphère collective plutôt que domestique. Certains d'entre eux, comme les chaudrons, revêtaient une fonction liturgique : découpe et cuisson des viandes, mélange solennel des boissons, la pratique conjointe du repas et du sacrifice s'assortissait de rites précis, accomplis en préalable à l'acte de consommation, ou lors de sa conclusion.
Les libations de vin offertes en l'honneur des divinités ou des défunts y représentent une pratique aussi centrale que dans la liturgie gréco-romaine. Offrandes d'amphores pleines, déposées ou précipitées au fond de cavités en offrande à la terre, ou libations partielles, elle bénéficie, sur les sanctuaires, d'indices archéologiques concrets : puits, fosses, rigoles et conduits destinés à canaliser un liquide dans le sol, associés à de grandes quantités d'amphores, trouvent un équivalent direct dans les bothroi connus sur les sanctuaires de Grèce archaïque. Les mêmes dispositifs sont intégrés à l'aménagement de certaines sépultures, où ils servent à l'alimentation du défunt post mortem.
Festins et libations s'accompagnaient d'autres manipulations infligées aux reliefs et aux accessoires du banquet, régies par des normes rituelles strictement observées, à des centaines de kilomètres de distance.
Le bris des amphores, à l'aide d'armes ou d'outils, en constitue l'étape la plus reconnaissable. L'état de fragmentation extrême de certains dépôts indique une volonté d'anéantissement systématique, qui s'apparente au bris rituel infligé aux offrandes métalliques retrouvées sur les sanctuaires : tessons d'amphores et pièces d'armement y présentent souvent les mêmes traces d'impacts de lame ou de percussion. Ce geste sacrificiel visait à consacrer les reliefs du festin, à détruire définitivement l'ensemble des biens et des accessoires investis, à l'usage exclusif des divinités et/ou des organisateurs de la fête.
Le décolletage des amphores par « sabrage », attesté par la découverte de cols bouchés et d'impacts de coups de lame, évoque un rite de décapitation symbolique du récipient. La séparation et la sélection minutieuse des panses et des cols peut être interprétée à la lumière des rites de démembrement des dépouilles connus sur les sanctuaires du nord de la Gaule. Ce parallèle est renforcé par le dépôt conjoint, sur certains sanctuaires, d'éléments de cols et de crânes ou a contrario, d'un corps décapité environné d'amphores décolletées. Vraisemblablement inspiré par la forme anthropoïde de l'amphore, cette pratique trahit le lien plus général qui unit, chez les Celtes, valeur supérieure du crâne et effets de l'alcool (crânes sciés et casques utilisés comme coupes à boire).
La crémation des amphores, dont témoignent certains tessons calcinés et déformés sous l'effet d'un feu très violent, s'assimile également à une forme de destruction sacrificielle. Elle renvoie à l'idée de purification et d'évaporation du produit, par analogie au vin immolé avec l'encens des autels gréco-romains ou déversé sur les bûchers incandescents, en l'honneur des divinités ouraniennes.
L'enfouissement des dépôts dans des profondeurs naturelles ou artificielles, puits, fosses ou fossés, constitue la dernière étape du rituel, par laquelle les biens consommés se voient définitivement mis à l'écart du monde profane. Ces favissae, cavités aménagées sur les sanctuaires afin d'accueillir les reliefs de l'activité cultuelle, s'adressaient aussi aux divinités chtoniennes résidant dans le sol ; tout comme l'immersion des amphores et des ustensiles du banquet dans des fleuves, dans des puits ou au fond de cavités naturelles. Ces dépôts ont souvent un caractère organisé (alignements, compositions circulaires ou ternaires, récipients disposés en ligne et/ou tête-bêche, amphores reconstituées à partir de fragments disparates), qui trahissent une volonté de mise en scène, de protection ou de cloisonnement symbolique.
Cette opération revêtait, dans certains cas, une dimension ostentatoire et purement symbolique. Dans les sépultures ou à leurs abords, sur les sanctuaires comme dans certains dépôts votifs, le dépôt d'amphores complètes s'accompagne généralement d'une masse de tessons résiduels, parfois prélevés sur des dépotoirs domestiques. Ils procèdent d'une symbolique d'abondance visant à souligner la richesse du défunt ou de la communauté. Un simple tesson suffit parfois à véhiculer l'image du contenu (pars pro toto) ; certains, pourvus d'une dédicace gravée à la pointe, retaillés en forme de statuette, d'amulettes ou de jeton, ont pu jouer un rôle plus actif dans le rituel.
Ces rituels s'exerçaient à différentes échelles : dans l'enceinte de grands sanctuaires confédéraux, comme sur de petits lieux de culte ruraux, en pleine nature ou au sein d'enceintes palissadées de tailles diverses (des plus vastes, calqués sur le modèle des Viereckschanzen, aux plus modestes, rattachés à l'habitat), voire au sein même de l'espace domestique.
Certains lieux de culte concentrant dans leur enceinte des quantités considérables de vin semblent avoir été dédiés spécifiquement à cet usage : cette activité faisait appel à des dispositifs libatoires bien identifiés, puits, fosses, fa¬vissae et autres « autels creux », garnis d'amphores, de vaisselle métallique et de céramiques utilisées lors des festivités et de l'exercice du culte. Le parcours des amphores au sein de l'espace sacré obéit à des constantes : leur ouverture, suivie de libations, se faisait à l'intérieur ou à proximité des temples ; la consommation du vin, dans de vastes espaces ou galeries monumentales ménagés à leur périphérie ; leurs débris étaient enfouis ou relégués en périphérie de l'aire cultuelle, le long du mur d'enceinte.
Ces « sanctuaires à libations » s'inscrivent en marge du champ d'identification des sanctuaires traditionnels, essentiellement centrés sur l'aspect guerrier et limités dans leur diffusion aux franges de la Gaule septentrionale et occidentale. Leur activité apparaît souvent centrée sur des cultes de fertilité, matérialisé par le dépôt d'amphores, de de meules et d'outils agricoles. Une nette césure culturelle sépare, à cet égard, les régions situées de part et d'autre du cours de la Loire et de la Seine. Longtemps cantonnés à l'Aquitaine, ces sanctuaires s'étendaient en fait à l'ensemble de la Gaule du centre-est et du sud- ouest. Le dépôt d'amphores vinaires dans des puits « à offrandes », en particulier, recouvre une réalité commune à l'ensemble du domaine celtique occidental, proportionnelle au volume d'importation régional. Il matérialise la rencontre de pratiques libatoires axées sur la symbolique du vin, connues dans le Méditerranéen depuis le VIIIe s. av. J.-C., d'une part, une tradition d'enfouissement de vaisselles et d'offrandes alimentaires entretenue en Gaule tempérée depuis l'Âge du Bronze, d'autre part, où les boissons indigènes tenaient vraisemblablement la première place.
Ces pratiques s'étendent à une vaste série d'enclos fossoyés de plan quadrangulaire, caractérisés par leur position isolée et l'absence de structures d'habitat et de mobiliers domestiques. Les quantités considérables d'amphores qu'ils ont livrées, souvent associées à de l'armement, de la vaisselle métallique et autres biens de prestige, désignent certains d'entre eux comme des espace réservés aux assemblées festives d'ordre religieux, politique et juridique. Ces « enclos à banquet » présentent, à l'instar des sanctuaires, de nettes différences d'échelle, en fonction de l'importance des manifestations qui s'y déroulaient et du nombre de convives. Les plus vastes d'entre eux rejoignent la première interprétation des Viereckschanzen du sud de l'Allemagne, comme espaces de rassemblement à vocation festive et religieuse. Ces structures d'enclos sont l'équivalent protohistorique des « théâtres » qui servaient, selon Posidonios, de cadre aux festins celtiques ; ils ont sans doute précédé, dans leur fonction, ces édifices à spectacle gallo-romains voués aux rassemblements communautaires et/ou à l'exercice du culte. Leur position frontalière souligne leur rôle probable dans la définition des alliances et le règlement des conflits territoriaux.
Certains bâtiments monumentaux à vocation collective et/ou religieuse, semblent avoir rempli la même fonction : les temples et de grands portiques en bois qui constituent l'aménagement de certains sanctuaires sont identifiés comme des espaces dévolus au banquet. Utilisé en toile de fond pour les assemblages de banquet qui garnissent les chambres funéraires de l'élite, leur plan s'inspire, dans certains cas, de celui des hestiatoria méridionaux.
La reproduction de ces pratiques dans la sphère privée s'illustre à travers de petits enclos à vocation festive et/ou cultuelle plus ou moins intégrés à l'habitat ; version réduite des grands enclos et sanctuaires publics, ils étaient adaptés à des manifestations organisées à l'échelle de la famille, du clan ou de la communauté agraire au sens large, présidées par une élite habilitée à l'exercice du culte privé. Certains dépôts votifs en fosse ou en puits, composés d'amphores, d'armement, de restes humains et/ou vaisselle métallique enfouis dans l'espace domestique, témoignent de rites libatoires pratiqués au coeur de l'habitat, à l'image des « laraires » d'époque romaine.
L'exercice du festin et des libations dans un cadre funéraire s'illustre à travers l'omniprésence du vin et des amphores sur les sites d'incinération ou d'inhumation de cette période ; la frontière avec le domaine cultuel n'est pas toujours aisée à mettre en évidence. L'utilisation du vin dans le banquet mortuaire et l'extinction du bûcher funèbre constituent des réalités objectives, attestée sur certains sites funéraires, il est probable que le dépôt d'amphores dans les tombes ou à leur périphérie recouvrait des fonctions multiples et complexes. L'offrande d'amphores entières, encore munies de leur contenu, est loin de constituer la règle. Rarement attestée avant le Ier s. av. J.-C., elle correspond à une coutume tardive, liée à la romanisation des pratiques mortuaires. Une forme antérieure d'utilisation du vin à des fins funéraires consiste dans le dépôt de récipients brisés et incinérés, sacrifiés aux divinités à l'image de ceux présents sur les sanctuaires contemporains. Cette proximité rituelle s'exprime également à travers le lien spatial qui unit, dans certains cas, sanctuaires et sépultures aristocratiques garnies d'offrandes vinaires : cadre de libations régulièrement effectuées en l'honneur du défunt et des divinités, ces structures s'apparentent directement aux hérôa connus dans le monde grec.
Ces nouvelles données invitent à redéfinir la place dévolue au vin importé dans les sociétés gauloises. Sa consommation reposait sur un fond idéologique original, fondamentalement opposé à l'imagerie du symposium dionysiaque et à sa logique hédoniste - même si elle était l'occasion de plaisirs bien réels. Elle intervenait à tous les niveaux de l'activité publique : conduite de la guerre, assemblées politiques, élections, cérémonies religieuses et funéraires, foires...
Les textes montrent que la consommation du vin s'inscrivait fréquemment dans un contexte militaire, dans le cadre de conflits, en préalable à la bataille, sous forme de « potion magique » censée conférer aux guerriers force et courage, lors des réunions armées présidant à la mobilisation des troupes, en tant que garant des serments et liens d'alliance par le sang, ou lors des cérémonies de victoires, où il était offert en récompense ou en payement des troupes.
Le vin intervenait, plus globalement, dans tous les domaines de l'activité religieuse : capté et instrumentalisé par le clergé druidique, il alimentait les banquets rituels organisés en préalable au sacrifice, ou à l'occasion de grandes fêtes religieuses. Au vin versé lors des libations s'ajoutaient d'autres fonctions, notamment sacrificielles et divinatoires. Le bris, la décapitation symbolique et la crémation des amphores semblent inspirés par leur aspect anthropoïde : haussées au rang de symbole vivant, elles ont pu se substituer aux victimes humaines ou animales. Offrande principale ou accessoire, le vin était valorisé aussi bien pour ses effets positifs que négatifs : l'ivresse qu'il procurait, moyen d'accéder aux états de transe qui rapprochent l'Homme des divinités, semble avoir été exploitée à des fins oraculaires et médicinales. Elle intervenait également lors de cérémonies liées au cycle agricole et à la fertilité du sol : le vin déversé dans des puits et des fosses procédait de rites « chtoniens » mêlant, dans une même matrice terrestre, offrandes de vin et dépôts de céréales, de meules ou d'outils agricoles.
Les divinités honorées par ces pratiques revêtaient des formes aussi diverses que les rites et les contextes qui leur étaient dédiés L'offrande souterraine d'amphores et de vaisselle pourrait renvoyer à Taranis ou Dis Pater, figure centrale du panthéon gaulois réunissant dimension « chtonienne » et idéologie du chaudron, ancêtre du Su¬cellus gallo-romain associé au motif de l'amphore, du tonneau et du gobelet ; Mars, pour les libations guerrières, Déméter et Corè, pour les cultes de fertilité agricole, Cer¬nunnos ou Mercure, protecteur du commerce, font également figure de candidats. Les textes comme l'archéologie laissent entrevoir une grande variété de figures qui ne rend que plus patente l'absence de Dionysos, dieu du vin dont le culte n'a jamais pris racine en Gaule.
L'utilisation du vin dans le rituel funéraire doit être envisagée dans une double perspective : libations aux morts et dépôts d'offrandes vinaires renvoient aussi bien à la notion d'alimentation post mortem qu'à celle de sacrifice : la présence d'amphores brisées et incinérées à l'image des dépôts de sanctuaires laisse à penser qu'ils s'adressaient
aussi bien au défunt qu'aux divinités en charge de son âme. Quelques découvertes suggèrent que le vin a pu être utilisé, comme en Grèce, pour laver les os du défunt.
La mise en valeur du vin par les sphères du pouvoir intervenait à différents niveaux : outre son rôle actif dans les délibérations politiques et juridiques, il servait aussi bien à légitimer le pouvoir en place, à alimenter la surenchère opposant différentes composantes de la noblesse, qu'à raf¬fermir les liens de clientélisme et de mercenariat, sous forme de grandes manifestations à visée évergétique et clientéliste. Malgré son accumulation sur les oppida, mar¬chés et autres sites à vocation commerciale, la valeur éco¬nomique du vin ne se limitait pas à celle d'une simple marchandise monnayable : bien d'échange à part entière, mis à plan d'égalité avec l'or ou l'argent, utilisé dans le cadre de relations diplomatiques à courte ou longue dis¬tance, les amphores figurent également sur les légendes monétaires, au titre d'emblème politique. Leur gaspillage ou leur destruction lors des libations représentaient elles- mêmes une forme d'économie, fondée sur la thésaurisa¬tion et la mise en communauté de biens « réalisés » socia¬lement par des attitudes ostentatoires.
Il est difficile d'établir la part des amphores ayant fait l'objet d'une consommation publique ou privée, sacrée ou profane. Le vin consommé à titre individuel, qui n'a pas retenu l'attention des auteurs antiques ne concernait que les classes les plus aisées ; il ne saurait être confondu avec une consommation « quotidienne » que le rythme d'im¬portations ne suffisait pas à alimenter. Les femmes sem¬blent tenues à l'écart de ces pratiques à connotation guer¬rière et masculine, sinon dans un contexte très tardif, pos¬térieur à la Conquête.
Appréhendée dans le temps et dans l'espace, l'histoire de la consommation vinaire en Gaule préromaine trahit de longues phases de discontinuité et de nombreuses dispari¬tés régionales. Elle se décompose en deux phases dis¬tinctes: la première, au Hallstatt final, la seconde à la fin de l'Âge du Fer, deux périodes marquées par de profon¬des mutations sociales et politiques. Elle puise sa source dans une tradition millénaire de pratiques festives faisant appel aux boissons fermentées locales (hydromel, bière), propres à l'ensemble des cultures archaïques de l'Âge du Bronze européen. Cette tradition se heurte, au VIe s. av. J.-C., à une première tentative d'ouverture aux rites du symposium grec. Le vin connaît fait une apparition très limitée au nord des Alpes. Sa consommation s'inscrit, dès l'origine, dans le cadre des manifestations religieuses pré¬sidées par l'aristocratie, dans les tombes comme sur les sanctuaires. Elle demeure liée à une forme très éphémère de pouvoir « princier », dont le déclin s'amorce dès le Ve s. av. J.-C.
Lui succède une longue phase de repli sur les boissons lo¬cales, concomitante avec l'émergence d'une nouvelle classe guerrière et sacerdotale qui se traduit par la fonda¬tion des grands sanctuaires de Gaule septentrionale. L'absence totale d'amphores dans la Gaule des IVe et IIIe siècles trahit une attitude de rejet volontaire, prônée par un clergé réactionnaire réticent aux influences extérieures.
Écarté des modes de représentation de l'élite, le vin cède la place à la bière consommée dans les assemblées guer¬rières du koinon archaïque. Son implication dans les rites sacrificiels, les festins d'alliance et de victoire élargis à un cercle de plus en plus large de participants, forme le creuset des grandes manifestations collectives qui émer¬geront au siècle suivant.
L'accroissement des liens de dépendance sociale et mili¬taire provoque, dès la fin du III s. av. J.-C., la résurgence de pôles de pouvoir individuels qui se livrent une concur¬rence acharnée. La quête de produits chargés d'une forte plus-value favorise la reprise d'échanges commerciaux rompus depuis plus de deux siècles. Valorisé pour son exotisme, son goût original, ses facultés de conservation et sa couleur sanguine, le vin se hisse peu à peu au pre-mier rang des boissons consommées au festin : bu « à la manière » de l'hydromel, il est rapidement intégré au ca¬dre rituel indigène.. Ce nouveau commerce connaît, au cours du Ir s. av. J.-C., un rapide essor sous la double ac¬tion des commerçants italiques implantés en Gaule Tran¬salpine et d'une consommation qui finit par gagner tous les rouages de la vie publique : sanctuaires, enclos, hérôa et résidences aristocratiques, cadres de ces cérémonies collectives qui connaissent leur apogée entre la fin du IIe s. av. J.-C. et le début du Ie s. av. J.-C.
Le milieu du siècle accuse un net resserrement des dé¬couvertes d'amphores au domaine funéraire, en particu¬lier, aux sépultures de l'élite. Loin de se généraliser à tou¬tes les couches de la société, le vin semble réapproprié par les classes dirigeantes : détournement progressif des for¬mes de festivités collectives au profit des pouvoirs indivi¬duels, adoption de nouvelles coutumes méditerranéennes ou raréfaction du produit ? Cette période marque, quoi qu'il en soit, le retour à une certaine « normalité » qui ne frappe que par contraste avec les quantités considérables de vin qui circulaient dans la Gaule d'avant la Conquête.
Contre toute logique historique et économique, la Guerre des Gaules accélère le déclin de ce courant d'importation fondé sur la demande indigène : l'abolition des formes de festivités traditionnelles mettant en péril le nouvel équili¬bre prôné par l'occupant, l'intégration des élites dans l'ar¬mée romaine, le passage à de nouveaux modes de consommation et de représentation, inaugurent un nou¬veau rapport au produit, caractérisé par un ancrage plus marqué dans la sphère quotidienne et l'essor de la produc¬tion locale.
La prise en considération des particularismes régionaux et des grands ensembles culturels qui dominent la Gaule du second Âge du Fer, nuance le sentiment d'unité qui res¬sort de la large dispersion des dépôts et des rituels étudiés. Comme au premier Âge du Fer, il semble possible de dis¬tinguer deux faciès de consommation. Le premier, dit « hiératique », propre aux sociétés « égalitaires » du Midi, consiste dans la redistribution ostentatoire de grandes quantités de vin destinées à alimenter les luttes sociales le second, dit « hiérarchique », propre aux sociétés élitaires du nord de la Gaule, prône la valorisation de faibles quantités de vin sacralisé à l'extrême, par le biais d'accessoires métalliques mis en valeur dans les tombes. Au pre¬mier faciès correspondent les régions de Gaule du Centre et du Centre-Est (Arvernes, Éduens, Ségusiaves), où le vin figure en grandes quantités sur les sites de sanctuaires et d'enclos dédiés à la pratique du festin. Fondés sur une logique redistributive et clientéliste, ils témoignent, avec l'absence de sépultures « riches », de sociétés peu hiérar¬chisées, divisées par les luttes de pouvoir. D'étroits liens commerciaux avec Rome (« zone du denier ») y assurent un approvisionnement soutenu en vin importé. Attaché à une tradition rituelle indigène, ce bloc se distingue des ré¬gions de Narbonnaise et d'Aquitaine, situées à la source des importations et plus précocement romanisées. Les ac¬cessoires du symposium y figurent dès le IIe s. av. J.-C. dans les tombes, en association avec le dépôt d'amphore.
Au second faciès correspondent les régions de Belgique orientale, de la Gaule Atlantique et du Nord-Est, où des quantités de vin plus restreintes se concentrent principale¬ment, à l'instar de la vaisselle métallique, entre les mains d'une élite foncière et militaire ouverte aux apports com¬merciaux et culturels extérieurs : la majorité des dé¬couvertes concerne les sanctuaires, les sépultures et les résidences à caractère « aristocratique », où elles étaient valorisées dans le cadre d'une liturgie traditionnelle d'abord fondée sur les boissons locales.
Une rupture très nette sépare ces régions de celles établies plus en périphérie (Belgium, Armorique, plateau suisse, espace rhénan et île de Bretagne), où le vin n'apparaît qu'en faibles quantités et à une date tardive dans certains contextes bien précis : résidences aristocratiques, sanc¬tuaires ou autres contextes votifs (sépultures, Viereck¬schanzen, mégalithes). Sa part est très minoritaire, dans une tradition de festin indigène possédant ses propres ac¬cessoires, sacralisée à l'extrême par une forme de pouvoir autarcique, soumis à des institutions politico-religieuses réfractaires à tout apport extérieur.
Ces différents faciès recouvrent des oppositions culturel¬les, politiques et sociales très profondes, dont la logique dépasse la vision d'une Gaule simplement divisée entre logiques « égalitaires » et « élitaires », entre partis « tradi¬tionnalistes » et « pro-romains ». Banquets et rites de boisson marquent la rencontre de concepts aussi opposés qu'idéologie du vin (amphores, cratères, situles, simpula, coupes à boire) et idéologie de la bière ou de l'hydromel (seaux, chaudrons situles, vases à boire indigènes), sym¬posium et festin archaïque, enclos à banquet et sépultures aristocratiques... Ces options culturelles connaissent, se¬lon les régions, des limites très nettes ou des zones de transition, qui évoluent au fil du temps. Elles témoignent d'un « choc » culturel et historique dont les textes se font l'écho et dont les principaux emblèmes, l'amphore et le chaudron, s'illustrent sur les légendes monétaires.
Abstract :
The stereotype of the drunken Celt is amongst the most legendary clichés in ancient literature: from the 4th cen¬tury BC to the 6th century AD, not less then thirty texts mention the state of the Gaul's consumption of alcoholic drinks, native or imported, stolen or bought at great ex¬pense. This reputation is apparently supported by dig sites throughout Gaul, where imported wine circulated since the Hallstatt period, the 6th century BC. It is at the end of the Iron Age, from the 2nd to the 1st centuries BC, that this trade knew its true expansion: an era of which hundreds of thousands of Italian amphorae were imported and dif¬fused throughout Gaul, attesting to the existence of a wide-spread native commerce, which included a volume of several thousands of hectoliters of wine per year.
From the postulant that the origins of this phenomenon lies in the structure and the internal evolutions in Gallic society, this study focuses in the cultural vectors of the wine trade, the sociological value of wine, the identity of its target audience, its methods of consummation and its perception by the indigenous societies.
This study puts a focus on the existence, accounted in sources, of collective practices and rituals based on alcoholic beverages, in the value specified by the indigenous elite and in their use in feasts and religious ceremonies which were apart of public life. The evidence is supported on taphonomic analysis of amphora deposits which is based on the composition and the spatial distribution of the deposits; the method of formation and the ritual manipula-tions of which they were subjected (voluntary destruction, selective sorting, cremation, recycling) as well as an association with a certain code with strong sociological con¬notations or symbolism (weapons, metal vessels, human remains, animal deposits and other relevant objects in the cultural or funeral domain).
The distribution map of the first graeco-italic amphorae in Gaul in the middle of the 2nd century BC, illustrates a reestablishment of contact with the south after more then two centuries of interruption in commercial exchange, which seems to take place independently of other external constraints; well preceding, in any case, the creation of the Narbonnese province, in approximately 120 BC. This enactment equally aided to the decline of the trade: the middle of the 1st century BC witnessed a brutal fall in importations which seems to have been initiated from before the Gallic War.
The phenomenon appears to very quickly overtake the whole of the territory, without possibly revealing a geological or historical "logic" which masters the progression. The determining factor of this distribution seems to be related in neither the existence of natural resources, nor in the strategic position of important regions, nor in their political predispositions in relation to Rome. Political and social necessity, the cultural heritage in all people, takes priority over natural or logistical contingency. The initiative of exchanges fell upon the independent Gallic societies, who defined from beginning to end the methods of their consumption. These observations go against the current of existent economic and historical schemas: they account the commercial origins in the native demand, rather then in the roman commercial supply.
The quantificative approach of the discoveries, the statistical analysis of funeral artifacts and the accounting of untouched sites by the disturbances inherent in large inhabited areas, confirm the aristocratic spirit of wine and its rituals: from the end of the 3rd to the end of the 1st century BC, wine amphora and banquet equipment subsist in the privileges of a warrior elite, in the same consideration as the wagon burial or weapons. They deliver no clue of a "democratization" of the product, which could explain an increasing share of importations and a generalization of wine in all the classes of the population. They leave, nevertheless, glimpses of several hierarchical degrees: from the summit of the social body, who are entitled to organize and preside over the ceremonies as keeper of the tools destined for the preparation and the communal service of food and drink, to the simple authorized guests that participate with their personal accessories.
Contrary to popular ideas, it clearly appears that the diffusion of wine is not related to the Graeco-roman symposium system: its accessories (simpula, situles, pitchers, patella, bronze basins, craters and drinking services in campanian vessels) does not appear outside of the Narbonnese province, until a late date, posterior to the roman conquest and more then a century after the arrival of the first wine amphora. Large cauldrons, iron dogs, and pairs of buckets, nevertheless, witness the attachment to an archaic festive tradition, abandoned for a long time in the Graeco-roman world. The fundamental conservatism in the Celtic banquet, integrates wine without modifying its basic substance, which persists in the absence of other Mediterranean products (oil or brine). These amphorae restore the image of an imported product which is hidependent to the functions and the ideology which saturated its original culture.
This consummation adopts a different cultural dimension then in the south of the Alps and does not participate primarily in the foodstuffs or physiological realm. It responds to a conscious and selective choice, employed by the indigenous societies familiar with fermented local beverages (beer and mead). The endurance of the traditional banquet accessories show that it is not a substitute to their consummation: it is inserted into the structure of preexisting rituals.
Suggested by texts, the use of imported wine in religious practices at the end of the Iron Age constitutes from then on a tangible archaeological reality. Continuity and "revelation" of these practices, amphora engraves in the heart of symbolic assimilation, through metonymy; the container for the content, the product for the effects it produces. The confined analogy of treatment which unites these deposits to other categories of offerings, brings to light the systematic presence in the great sanctuaries of temperate Gaul. Wine had growing significance, according to repeated inflicted rituals on other offerings: by voluntary mutilations of which it is subjected, cremation rites, meticulous selection of parts and of burial, highly organized deposits, the amphora transforms into an actual sacred object.
This substance was consumed in great feasts, described in ancient texts in great detail and materialized by some thousands of amphora fragments and accumulated bones in huge trenches or in the walls of the sanctuaires. The method of deposition attest to simultaneous consummations, by a large community, in vast quantities of food and drink: hectoliters of wine and/or beer, choice cuts of meat from young pore or lamb, cereals... These feasts required the use of specific accessories, utensils for cooking and metal vases reserved for the collectivity rather than domestic use. Some of them, the cauldrons for example, adopted a liturgical function: cutting and cooking of meat, solemn preparation of drinks, the combined practice of meal and of sacrifice came along with precise rituals, which were accomplished prior to the action of eating, or during its conclusion.
Libations of wine in honor of the divinities or to the dead represented a fundamental practice similar to the Graecoroman liturgy. Offerings of full amphora, dispersed or arranged in the bottom of shafts as offerings to the Earth, or partial libations, which benefit, in the sanctuaries, from concrete archaeological indications: shafts, trenches, ditches and drains destined to channel a liquid into the earth, associated to large quantities of amphora, found in direct equivalence in the known bothroi in archaic grec sanctuares. The same patterns are intergrated into the organization of graves, where they served as provisions for the deceased.
Feasts and libations accompany other imposed manipulations to the banquet remains and accessories, observed by rigorous ritual norms, occasionally at distances of some hundreds of kilometers.
The breaking open of amphora, with the assistance of weapons and tools, constitutes the most recognizable phase. The state of extreme fragmentation of certain deposits indicates a volontary and systematic destruction, which is obvious in the ritual damage inflicted on metal offerings found in sanctuaries: fragments of amphora and pieces of weaponry often desplay the same traces of blade impacts or striking. This sanctified gesture focuses on consecrating the remains of the feast, in utterly destroying the collection of goods and invested accessories, for the exclusive use of the deities.
The break of amphora by "severing", witnessed by the discovery of corked necks and the impacts from a blade, evoke a symbolic decapitation ritual of the vessel. The separation and the meticulous selection of bodies and necks could be interpreted in the light of dismemberment rituals known in sanctuaries in Northern Gaul. This parallel is reinforced by the combined deposit, in certain sanctuaries, from neck elements, skulls or a contrario, of a decapitated body in the vicinity of decapitated amphora. Probably inspired by the anthropoid form of the amphora, this practice betrays the more general link which unifies, with the Celts, the significance of the skull and the effects of alcohol (as in skulls and helmets used as drinking cups).
The cremation of amphora, of which certain burnt fragments display with deformations created by a violent fire, likewise shows a form of sacrificial destruction. It gives the idea of purification and evaporation of the product, by analogy the sacrificed wine with incense from Graecoroman altars or poured over incandescent bonfires in the honor of ouranian gods.
The burial of deposits in natural or deep artifical shafts, hole or ditches, constitutes the last phase of the ritual, by which the consumed goods are definitively separated from the profane world. These favissae, decorated holes in which the sanctuary gathers the remains of the cultural events, addressed also the chtonian gods living in the earth; as in the immersion of the amphora and the banquet tools in rivers, and in wells or at the bottom of natural shafts. These deposits often had an organised character (alignments, circular or triad compositions, vessels aligned and/or piled top to bottom, reconstructed amphora from diverse fragments), which betrays the will to create a setting, for protection or for symbolic separations.
This operation took on, in certain cases, an ostentatious and purely symbolic dimension. In or near graves, sanctuaries or in certain offering depositions, intact amphora deposits are accompanied usually with a heap of residual fragments, sometimes taken from domestic remains. This procedure had a symbolic abondance, aimed at emphasizing the wealth of the deceased or of the community. A simple fragment was sometimes enough to summon the image of the contents (pars pro toto); certain examples display engraved dedications, carved in the form of statuettes, amulettes or tokens, which could play a more active role in the ritual.
These rituals were exercised at a variety of scales : in the walls of the great confederated sanctuaries, or in the modest places of rural cult, in the middle of nature or in the heart of a palisade of diverse sizes (the largest in imitation of the Viereckschanzen model, the most humble were attached to houses).
Certain places of cult amassed considerable quantities of wine in their walls seemingly to have been dedicated specifically to this use: this activity makes a call to identified libation types in shafts, ditches, favissae, and other "hollow altars", garnished with amphorae, metal vessels and ceramics used during the festivities and the service of the cult. The journey of the amphora in the heart of the sacred space, obeyed set standards: their opening followed by libations, realized in the interior or in the proximity of the temples; the wine consumption in the vast spaces or monumental galeries fixed in the periphery; their debris buried or transfered to the perimeter of the cultural area, along the enclosing wall.
These "libation sanctuaries" recorded in the margins of the identification field of traditional sanctuaries, focused essentially on the warrior aspects and was limited in diffusion to the fringes of the Western and Septentrional Gaul. Their activity often appears to center on fertility cults, materialized by the deposit of amphora, millstones, and agricultural tools. This sharp cultural censorship seperates, in this regard, the regions situated on each side of the Loire and Seine river. Longtime annexed in Aquitania, these sanctuaries spread throughout Gaul from the Mideast to the Midwest. The wine amphora deposits in the "offering" shafts, in particular, uncover a common reality in the whole of the Western Celtic territory, proportional to the volume of regional importation. It materializes the meeting of libation practices based on wine symbolism, known in the Mediterranean since the 8th century BC, partly a tradition of vessel and food offerings burials persisted in temperate Gaul since the Bronze Age, partly where the indigenous beverages most likely held precedence.
These practices spread out to a vast series of rectangular ditched enclosures caracterised by their isolated postion and the absence of habitations and domestic items. Considerable quantities of amphorae have been uncovered, often associated with weaponry, metal vessels, and other prestige goods, designating certain of them as reserved spaces in a sort of religious, political, or judicial assemblies. These "banquet enclosures" present, as in sanctuaries, clearly different scales in relation to the importance of the demonstration and the number of guests. The most important examples agrees with the first interpretation of Viereckschanzen from Germany, as assembly places for festive and religious functions. Certain monumental buildings for collective and/or religious aims, seem to have filled the same function. These enclosed structures are the protohistorical equivalent to "theaters" which served as, according to Poisonios, the setting for Celtic feasts; without a doubt preceeded in their function, these Gallo-roman event edifices dedicated to community gatherings and/or cult services. Their border position underlines their probable role in the definiition of alliances and the mediation of territory conflits.
The reproduction of these practices in the private domain
is illustrated in small enclosures more or less intergrated in the habitat for festival and/or cultural functions; the miniature version of the vast enclosures and public sanctuaries, they were adapted to organized events to the family, clan, or agricultural community scale, presided by an entitled elite for private cult services. Certain votive deposits in trenches or in shafts, made of amphora, weaponry, human remains and/or metal vessels were buried in domestic zones, witnessing the libation rituals practiced in the heart of the habitat, in the likeness of roman "lararia".
The feast and libation services in the funeral setting is illustrated through the omnipresence of wine and amphora on the sites of incinerations or burials during this period; the boundary with the cultural domain is not always easy to corroborate. The utilization of wine in the funeral banquet and in the conclusion of the funeral pyre constitutes an objective reality, attested in certain funeral sites, the possibility of multiple and complex functions for the amphora deposits in and around the tombs. The offering of whole amphora, always connected to their content, is far from being the rule. It is rarely attested before the 1er century BC, it corresponds to a late custom, related to the romanization of funeral practices. One form anterior to funeral wine utilization consists in the sacrifice of broken and burnt vessels to the gods, an image of which is present in contemporary sanctuaries. This ritual proximity is expressed equally through the environmental link which reunites, in certain cases, sanctuaries and aristrocratic interments garnished with wine offerings: in the setting of regularly performed libations in the honor of the deceased and the gods, these structures belong directly to heroa, known in the Greek world.
These given discoveries invite to redefine the established status of imported wine in the Gallic societies. This consumption rests on the original ideological foundation, fundamentally opposed to the image of the dionysian symposium and its hedonistic logic - even if it was the occasion of real pleasure. It intervenes on all levels of public activities: war conduct, political assemblies, elections, religious and funeral ceremonies, gatherings...
The texts show that wine consumption was often associated with a military context, in combat settings, prior to the battle, as a form of "magic potion" reported to amass force and courage in the warrior. In armed reunions preceding the mobilisation of the troops as to guarantee pledges and blood alliances, or in victory ceremonies, it was offered in compensation or as payment to the troops.
The wine intervened, more globally, in all the domains of the religious activities: tapped and instrumented by the druid clergy, wine supplied to the ritually organized banquets prior to the sacrifice, or on the occasion of great religious feasts. The libations of flowing wine had different functions, notably of sacrifice and divination. The break, the symbolic decapitation and the cremation of amphora seems to be inspired by its anthopomorphic aspect: raised to the rank of a living symbol, they could be substituted for human or animal victims. Principle or accessory offering, wine was valued as much for its positive effects as for its negative: the intoxication as a means to access trance states which approached Man to the gods, seems to have been exploited for oracle purposes. Wine intervenes equally in ceremonies linked to the agricultural cycle and earth fertility: wine poured into shafts and ditches proceeded "chtonian" rituals mixing, in the same matrix layer, of wine offerings and cereal deposits, millstones, or agricultural tools.
The deities honored by these practices assume formes as diverse as the rituals and the contexts which were dedicated to them, underground amphora offerings could be sent to Taranis or Dis Pater, a central figure in the Gaulish pantheon which reunited the "chtonic" dimension and ideology of the cauldron, ancestor to the Gallo-roman Sucellus associated with amphora, cask, and gobelet; Mars, for warrior libations, Demeter and Core, for the agricultural fertility, Cernuunos or Mercury, proctector of commerce, equally figure as cadidates. The ancient sources and archaeology leave a glimpse of a great variety of figures that only makes more obvious the absence of Dionysus, god of wine whose cult never got established in Gaul.
The use of wine in funeral rituals must be envisioned with a double perspective: libations to the dead and the deposits of wine offerings refer as much to the notion of post mortem consumption as to that of sacrifice: the presence of broken and burnt amphora just as in sanctuary depositions leaves the impression that it addressing as much to the deceased as to the deities in charge of their spirit. Some discoveries suggest that the wine could be used, as in Greece, to wash the bones of the deceased.
The value of wine specified by those in power intervened on different levels: other than its active role in political and judicial deliberations, it served as well as legitimizing the power in place, to subdue the different opposing groups of nobles, which reaffirms the clientage and mer¬cenary connections, in the form of great demonstrations aimed at philanthropy and clientage. Inspite of its accumulation in oppida, markets, and other commercial places, the economic value of wine is not limited to that of a simply lucrative merchandise: an exchangable good on its own, equal to gold or silver, used in the settings of diplomatic relations for long or short distances, amphora figure equally on currency directories, with a claim of political emblems. Their waste or destruction during the libations represent a type of economy, based on the collection phenomenon and the dedication to the community of goods "realized" socially with ostentatious attitudes.
It is difficult to establish the part that amphora played, in public or private consumption, as sacred or profane. The wine consummed on a personal basis, which did not capture the attention of ancient authors, merely concerned the elite; it shouldn't be mistaken with a "daily" consumption that the importation trade was not robust enough to support. Women appeared to be held apart from these practices which had warrior and masculine connotations, until later contexts, after the Conquest.
Understood in time and space, the history of wine consumption in preroman Gaul is betrayed by long phases of discontinuity and of numerous regional disparities. It is decomposed into two distinct phases: the first in the final Hallstatt, the second in the end of the Iron Age, two periods marked by profound social and political mutations. It takes its sources in the the millenial tradition of festive practices that makes an appeal to local fermented beverages (beer, mead), in the entirety of the European Bronze Age cultures. This tradition propells, in the 6th century BC, a first tentative initiation of Greek symposium rituals. Wine knew a limited appearance in the north of the Alps. Its consumption fixed, from the beginning, into the setting of religious ceremonies presided by the aristocracy, in tombs as in sanctuaries. It remains linked to a form of ephemeral "princely" power, of which the decline is triggered from the 5th centry BC.
A long phase filled with local beverages follows, concomitant with the emergence of a new warrior and sacerdotal classes which translates by a creation of large sanctuaries in septentrional Gaul. The total absence of amphora in Gaul in the 4th and the 3rd centuries berays an attitude of voluntary rejection, extolled by a reactionary clergy reluctant to any exterior influences. Apart from the display of privilege among the elite, wine yields its place to beer consumed in the warrior assemblies of the archaic koinon. The implication of these sacrificial rites, alliance and victory feasts enlarges more and more the circle of participants, creating a mixing pot of immense collective manifestations which emerge in the following century.
The growth of these links of social and military dependance provokes, towards the end of the 3rd centry BC, the resurgence of poles of individual power which deliver a fierce competition. After two centuries of disregard, the quest for products with a strong appreciation favorized the recovery of commercial exchanges. Importance in its exotic character, its original taste, its conservation abilities and bloodlike colour, wine rises little by little to the highest rank of beverages in the feast: drunk "in the manner" of mead, it is rapidly intergrated to the indigenous ritual framework. This new trade saw, during the 2nd century BC, a rapid rise with the double action of the italian merchants implanted in Transalpine Gaul and in the consumption which finishes by conquering all the mechanisms of the public life: sanctuaries, enclosures, heroa and aristrocratic residences, in the framework of these collective ceremonies which knew its apogee inbetween the end of the 2nd century to the beginning of the 1st century BC.
The middle of the century witnesses a sharp reduction of amphora discoveries in the funeral domain, in particular, to the graves of the elite. Far from generalizing to all the levels of society, wine seems to be adopted by the ruling classes: progressively turning away from the type of collective festivities to profit for personal power, to adopt a new Mediterranean customs or a rarified product. This period marks, be that as it may, the return to a certain "norm" that stands out only in contrast to the considerable quantities of wine which circulated in Gaul before the Conquest.
Against all historical and economic logic, the Gallic War accelerated the decline in the flow of importation based on the indigenous demand: the abolition of the traditional festivities put in peril the new equilibrium extolled by the occupants, the intergration of the elite in the roman army, the passage to new methodes of consumption and representation, inaugurate a new relationship to the product, characterized by a stronger attachment to the daily routine and the rise of a local production.
The consideration of regional particularities and the great cultural ensembles which dominate Gaul in the second Iron Age, nuances the sentiment of unity which springs from the study of the large dispersal of deposits and rituals. As in the first Iron Age, it seems possible to distinguish two aspects of consumption. The first, called "hieratic", known to "egalitarian" societies from the Southern Gaul, consists in ostentatious redistribution of large quantities of wine destined to supply social struggles; the second called "hierarchic", known in elitest societies in Northern Gaul, extremely extolling the value by distributing tiny quantities of sacred wine, by the biais of valuable metallic accessories in tombs. The first aspect corresponds to the Center and Center-east regions of Gaul (Arverni, Eduens, Segusiaves), where wine appears in large quantities in sanctuary sites and enclosures dedicated to feast practices. Established with a logic of redistribution and clientage, it witnesses the absence of "rich" graves, a society with little hierarchy or divisions by power struggles. Close commercial connections with Rome ("the denarius zone") assured a constant supply of imported wine. Attached to a native ritual tradition, these block distinguishes the Narbonnese and Aquitania regions situated as the source of the importations and more precociously romanized. The accessories of the symposium appear from the 2nd century BC in tombs in association with amphora deposits.
The second aspect corresponds to the regions of Eastern Belgium, the Atlantic and Northeastern Gaul, where the quantities of wine were more restraint and concentrated
principally, as with metallic vessels, in the hands of a landowner and warrior elite open to commercial contributions and exterior cultures: the majority of discoveries concern sanctuaries, graves and characteristically "aristocratic" residences, where they were valued in the framework of a traditional liturgy primarily based on local beverages.
A sharp rupture separates these regions from those established in the periphery (Belgium, Armorica, Swiss Mitelland, Rhine area and the island of Britain), where wine appears only in small quantities and at a very late date in certain precise sources: aristocratic residences, sanctuaries, and other votive contexts (sepulchers, Viereckschanzen, megaliths). Its part is minor, in the native feasting tradition possessing its own accessories, sacred to an extreme by a form of autarchic power, subdued by politico- religious institutions rebellious to all exterior contributions.
These different aspects cover the profound cultural, political and social oppositions for which logic depasses the vision of one Gaul simply divided between "egalitarian" and "elitist" logics, between "traditionalist" and "pro- roman" factions. Banquet and drinking rites mark the meeting of concepts as opposed as the ideology of wine (amphora, cratere, situle, simpula, drinking cups) and the ideology of beer or of mead (buckets, situle, cauldrons, indigenous drinking vases), symposium and archaic feasts, banquet enclosures and aristocratic burials... These cultural options knew, according to regions, clear limits or transitional zones, which evolved through time. They witness a historical and culture "shock" of which sources make a resonance to the principal emblems, of which the amphora and the cauldron, are illustrated on the legends of coinage.
OAI-PMH
Create date
19/11/2007 11:23
Last modification date
29/06/2021 11:16