L’essor des transitions professionnelles reflète la complexité croissante des parcours de vie contemporains. Alors que les recherches se sont longtemps focalisées sur des transitions professionnelles dites « normatives », telles que l’entrée sur le marché du travail, les reconversions professionnelles involontaires – moins prévisibles – demeurent encore peu explorées. Pourtant, ces dernières représentent un enjeu critique, car elles augmentent les risques de déclassement et de perte salariale, tout en comportant des obstacles tels que le manque de temps, de ressources et de soutien. Partant de ces constats, cette thèse a pour objectif de caractériser les expériences et les processus des reconversions professionnelles involontaires. Pour ce faire, elle s’appuie sur deux vagues d’entretiens semi-directifs menés auprès de 48 individus contraints de changer de carrière, pour des raisons telles que des problèmes de santé, d’un marché saturé, ou la non-reconnaissance des diplômes suite à une migration. La première analyse a révélé que les trajectoires de reconversions involontaires varient dans le temps, allant d’une reprise de contrôle et de sens sur le parcours, à une perte de ceux-ci, et passant par des trajectoires intermédiaires marquées par des explorations. Une deuxième analyse s’est intéressée aux dynamiques identitaires et émotionnelles dans le temps, mettant en lumière les processus complexes liés à la perte et à la récupération d'une identité professionnelle. La troisième analyse a examiné l’influence du contexte relationnel sur la reconversion, en identifiant les acteurs·trices impliqué·e·s, la nature de leurs influences, ainsi que les temporalités dans lesquelles ces interactions s'inscrivent. Enfin, une quatrième analyse s’est focalisée sur les processus de choix contraints, montrant que comment les personnes tentent de regagner le contrôle sur leur trajectoire professionnelle en cherchant à maintenir une forme de continuité à travers leurs intérêts, valeurs ou compétences. Ensemble, ces quatre études permettent de dégager trois processus clés des reconversions professionnelles involontaires : l’articulation d’ambivalences, l’inscription dans différentes temporalités et la compréhension des différentes formes d’agentivité. Ce travail se conclut par une réflexion sur les défis méthodologiques rencontrés, les limites de l’étude, ainsi que les implications pratiques pour la psychologie du conseil et l’orientation professionnelle.